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Les Echos du Sud-Ouest

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BIBIANE KONÉ PALÉ: MODÈLE NATIONAL, RÉFÉRENCE AFRICAINE…


Je connaissais le Pr. Bibiane Koné seulement de nom. Et de réputation. C’est donc peu dire que d’affirmer que je brûlais d’envie de découvrir les ressorts de son parcours palpitant. Aussi étais-je heureux d’avoir enfin pu rencontrer, un après-midi d’avril 2009, alors que le soleil brûlant de Ouagadougou dardait les épidermes, la première femme médecin, gynécologue-obstétricienne et agrégée de médecine du Burkina Faso. Plus tard, dans son bureau coquet et sobre de la «Clinique polyvalente Moussa Koné», elle a bien voulu esquisser avec moi, simple et modeste, quelques facettes de son formidable parcours, qui fait de cette femme, un véritable modèle de courage et d’abnégation, mais aussi une référence africaine dans les milieux et dans l’art de la médecine…
Si le choix de son métier devrait entièrement dépendre de Feu son père, Bibiane Koné aurait vêtu, aujourd’hui, la robe noire pour défendre la veuve et l’orphelin. Et pour sûr, elle aurait tout aussi bien fait une excellente avocate, allant sans doute par monts et par vaux pour donner vie à la vérité, pour aider, à tout le moins, à la manifestation de la vérité et de la dignité humaine. «Mon père voulait que je sois avocate, mais il m’a soutenue et encouragée lorsque j’ai choisi la médecine», confesse celle qui restera, pour l’histoire, la première femme médecin du Burkina.
Choisi? Non, pas tout à fait, puisque ce sont ses encadreurs, notamment les sœurs du Collège Notre-Dame de Kologh-Naba, à Ouagadougou, où la jeune Bibiane Palé obtient, en 1961, le baccalauréat première partie, série M, puis le baccalauréat deuxième partie, série Sciences expérimentales, en 1962, qui lui ont suggéré cette orientation. «Vous êtes jeune et intelligente. Vous pouvez faire médecine!», lui avait-on alors conseillé.
Et comme un signe du destin, Bibiane Palé a fait son chemin, pardon, a fait du chemin dans cette branche, devenant aujourd’hui une solide référence dans le monde médical africain, voire universel. Docteur en médecine depuis le 27 février 1973, elle n’est en effet pas seulement la première femme médecin du «pays des Hommes intègres», mais elle tient aussi la bride dans la spécialisation qu’elle a finalement choisie, la gynécologie-obstétrique — après avoir hésité sur la cardiologie et la pédiatrie — et qu’elle exerce et enseigne avec brio.
Professeur agrégée en gynécologie et obstétrique du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (Cames) à Abidjan, en 1988, Bibiane Koné Palé se rappelle encore avec quelque amusement du temps où ses collègues et amis mâles n’en revenaient pas qu’elle soit major de la promotion. Mais, «très gaie et très joyeuse de nature», cette dame énergique et dynamique ne se laisse jamais aller au découragement. Sans doute parce qu’elle a bercé dans cette enfance rigoureuse, où la sévère affectivité du père le disputait au réconfort maternel de la mère, produisant un équilibre serein pour une ambiance familiale gaie et chaleureuse.
FIER DE SES ENFANTS
C’est à Abidjan, en Côte d’Ivoire, où elle fit ses études primaires, que naît Bibiane Palé, en novembre 1943. Son père, Alexis K. Palé, y était alors cheminot à la Régie de chemin de fer Abidjan-Niger (RAN). Originaire de Gaoua, dans le Sud-ouest du Burkina, il était arrivé en Côte d’Ivoire, quelques années plus tôt, pour étudier dans un établissement polytechnique à Bassam. Rigoureux, il tenait beaucoup à ce que ses enfants réussissent dans la vie et à démontrer, témoigne Bibiane Koné, que «les filles peuvent arriver autant que les garçons».
Alexis Palé n’hésitait donc pas à passer d’une école à l’autre pour «suivre le travail de ses enfants». Et on peut dire que ses efforts et sacrifices ont été largement couronnés de succès, avec pas moins de 18 bacheliers, parmi lesquels on compte trois médecins, une pharmacienne, un pilote… Car le père Palé, décédé en 1985, a eu, de ses deux épouses, une riche progéniture de 22 enfants, chacune des femmes en ayant mis onze au monde!
Deuxième enfant de la fratrie, Bibiane Koné se rappelle combien ce père strict mais affectueux était fier de ses enfants, et particulièrement de ses filles. «Il nous accompagnait partout où il allait, nous présentait à ses amis», note-t-elle. Si bien que ce fut un déchirement lorsque, pour les inscrire aussi à l’école de la vie, ces filles sont arrachées du giron familial pour devenir internes chez les sœurs religieuses, à Ferkessédougou, toujours en Côte d’Ivoire. Il a fallu faire soi-même la cuisine, la lessive, le repassage, et même le jardinage. «La première fois que j’ai préparé du tô (pâte de maïs), il y avait beaucoup de grumeaux», se rappelle Bibiane Koné, qui a cependant «tiré un formidable et intéressant savoir-faire» de cette autre formation. C’est sans doute aussi de là que lui vient cet amour du travail, du travail bien fait, attachée qu’elle est aux valeurs d’honnêteté et de vérité, ainsi qu’aux vertus familiales et patriotiques.
Ces valeurs-là sont aussi la résultante de l’attachement qu’elle avait pour sa mère, Amoin Honorine Yao, arrachée à l’affection des siens en juin 1993. «Nous étions tous très attachés à notre mère, à nos deux mères», confesse Bibiane Koné. Très maternelle, «elle n’était pas instruite mais c’est elle qui nous a tout appris», précise-t-elle encore. Baoulé de Côte d’Ivoire, la route d’Amoin Honorine Yao a dû croiser celle d’Alexis Palé dans le «bandjidrome» qu’elle tenait à Abidjan. C’est sans doute là que l’amour a donné rendez-vous aux deux jeunes gens, qui formèrent un couple heureux, donnant la vie à onze enfants, 9 filles et deux garçons.
Enfant, Bibiane adorait sa mère et son attachement pour elle était presque maladif. «Je vivais ses voyages comme un drame, je ne mangeais pas et pleurais tout le temps», assure-t-elle. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles on a recouru à l’internat, afin d’apprendre à ces enfants à voler de leurs propres ailes. On comprend donc que la disparition de cette mère tant aimée soit toujours ressentie par ses enfants. Bibiane Koné, elle, l’a vécue comme une «catastrophe». «On avait presque 50 ans à l’époque, mais on se sentait abandonnés, perdus…», raconte-t-elle.
Ce ne sera malheureusement pas la seule «catastrophe» de sa vie. En 2000, la face cruelle du destin frappe à nouveau sa maison. Son époux, Moussa Koné, alors Directeur national de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) — poste qu’il occupa pendant 14 ans — décède à 56 ans, laissant à la seule sagacité de son épouse éplorée, l’éducation de leurs trois enfants et la gestion de la clinique qu’il l’a fortement encouragée à construire. «Je l’ai rencontré en 1968 à l’Université d’Abidjan, alors qu’il était étudiant en sciences économiques. Il m’a marquée par sa personnalité. C’était un homme engagé, qui se battait pour ses idées», dira de Feu Moussa Koné, sa veuve, qui se réjouit de materner aujourd’hui deux petits-enfants.
TELLE MÈRE, TELLE FILLE!
Épris l’un de l’autre à Abidjan, c’est à Paris, la capitale française, où ils exerçaient — la femme en tant qu’interne des hôpitaux et l’homme comme agent de la BCEAO, siège cette institution — que les deux tourtereaux convolent en justes noces en décembre 1973. «C’était un hiver assez doux», se souvient, émue, Bibiane Koné. Très proche de ses enfants, Moussa Koné cultivait l’esprit de famille et savait si bien rassembler sa grande famille autour de lui. «Mon défunt mari était casanier et, même s’il voyageait beaucoup, il restait presque tout le temps à la maison, une fois ses obligations professionnelles accomplies. Nous formions un ménage heureux», témoigne encore Bibiane Koné.
Et si Moussa Koné n’a pas assisté à l’inauguration, le 4 janvier 2001, de la clinique qui porte désormais son nom, c’est en sa mémoire que cette belle infrastructure, qui est aussi son œuvre, trône à présent, pour la postérité et pour le bonheur de la population, dans la capitale du Burkina Faso. Signe du destin, sa fille aînée, Déborah Koné Ouattara, y exerce, de temps en temps, ce beau métier qu’elle a hérité de sa mère: la gynécologie! Quelle belle paire, qui souligne une charmante et profonde complicité entre la maman et sa fille!
Aujourd’hui, Bibiane Palé Koné, 65 ans, reste nostalgique du temps où elle dansait dans les bras de son défunt mari, à l’occasion des traditionnels bals de fin d’année que Moussa Koné se faisait le devoir et le plaisir d’organiser. Mais, très vite, sa nature «gaie et joyeuse» reprend le dessus et, toute à sa famille, dont elle est fière, et à sa profession, qui la passionne, elle vit le présent avec mesure et regarde l’avenir avec sérénité.
Aussi, lorsqu’elle se retrouve le soir chez elle et qu’elle a besoin de se détendre, se réfugie-t-elle dans la lecture. Mais pas n’importe laquelle! «Je lis des ouvrages de médecine et de religion, pour apprendre», indique-t-elle. Eh oui, elle est ainsi, Bibiane Koné, croyante et pratiquante catholique: la tête à la médecine, le cœur à sa famille et le tout profondément ancré dans sa foi religieuse.
Par Serge Mathias Tomondji Fasozine N°21, mai-juin 2009


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One thought on “BIBIANE KONÉ PALÉ: MODÈLE NATIONAL, RÉFÉRENCE AFRICAINE…

  1. Bagui FARMA

    C’est un bel article et je suis très ému de joie pour apprendre beaucoup de cette brave maman dont j’ignorais l’origine. Je l’ai suivi (disons les écrits sur elle) à la presse écrite comme visuelle. Au départ je la prenais comme une de nos esclaves mais j’avoue que c’est grâce à cet article que j’ai compris que c’est notre maman. Maman PALE née KONE que Dieu vous accorde une si longue vie et merci pour cet honneur que vous aviez apporté à notre nation!

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