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Les Echos du Sud-Ouest

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Kassoum Ouattara agent de la RTB : le « conducteur tout terrain » admis à la retraite


Ses anciens collègues l’appellent affectueusement « kôrô Kass », toujours jovial, aimable et dévoué pour le travail bien fait, Kassoum   Ouattara puisque c’est de lui qu’il s’agit, a passé une bonne vingtaine d’années à Radio Gaoua devenue RTB Sud-ouest en tant que conducteur. Il a même au cours de sa carrière, animer des émissions interactives en langue Dioula à Radio Gaoua. Admis officiellement à la retraite le 09 Juin 2023, Bafujiinfos rend hommage au désormais ex conducteur de la RTB .

Bafujiinfos : Comment êtes-vous arrivé à la RTB ?

OUATTARA KASSOUM : Vous savez, je suis issu d’une famille OUATTARA, nous sommes des forgerons. Et c’est le travail de la forge que je faisais quand j’étais jeune. C’est un métier transmis de père à fils chez nous. J’ai dû par la suite tenter un autre métier. J’ai donc penser à faire mon permis de conduire et à tenter ma chance dans certaines structures publiques et privées de la place.  C’est ainsi que je suis allé déposer mes dossiers à la RTB qui n’avait pratiquement pas de chauffeurs à ses débuts.  J’ai été par la suite convoqué par le chef de station de radio Gaoua de l’époque. Nous nous sommes entendu sur les conditions de travail. Et c’est ainsi que j’ai commencé le travail là-bas. Mais attention je n’étais pas encore intégré. C’était d’abord du bénévolat.

Bafujiinfos : Du bénévolat vous dites, mais comment l’intégration s’est fait ?

Kassoum OUATTARA : Je vous raconte une anecdote. Je me souviens toujours que pendant les élections, il se trouvait qu’on n’avait pas de moyen de déplacement en bon état à Radio Gaoua.  Le véhicule qui était à notre disposition était vraiment foutu. Nous avions une mission de couverture électorale à Kpuéré vers la frontière ivoirienne et nous devrions aller avec ce véhicule. Ma hiérarchie ne savait que faire puisqu’il y avait pas d’engins adapté. Que faire ? Il fallait sauver la situation. A l’époque j’avais des notions déjà en mécanique auto. C’est ainsi que j’ai décidé de conduire la mission avec le véhicule en mauvais état jusqu’à la frontière. Nous avions fini le travail et nous sommes revenu sains et saufs. Nous avons même devancé des collègues qui avaient des véhicules en bon état. Ma hiérarchie était très satisfaite de la conduite de la mission. J’ai reçu des félicitations de partout jusqu’au niveau central à Ouagadougou. C’est après ça que j’ai été intégré comme pigiste à la RTB .

Bafujiinfos : De bénévole, vous avez été intégré comme agent, parlez-nous cette fois de votre parcours à la RTB.

Kassoum OUATTARA : Quand je suis arrivé à la RTB, je croyais que c’était la fin de mon calvaire. Mais hélas !  Je n’avais pas de salaire à la fin du mois. J’ai donc posé le problème. On m’a fait comprendre que nous sommes des pigistes. On m’a même dit que des devanciers ont fait plusieurs années ici sans aucune pige payée. Certains, disons les plus chanceux, percevaient   10.000, d’autres 15.000 francs. L’espoir que j’avais en venant travailler à la RTB avait commencé à se dissiper. Au regard du travail non rémunéré que je faisais, j’ai voulu tout arrêter. J’étais chef de famille, je travaillais mais je n’avais absolument rien comme rémunération. Ce qui nous m’a sauvé à l’époque, c’était les productions radiophoniques avec certains partenaires.  Nous pouvions gagner souvent 2.500 francs et c’était beaucoup pour nous. C’est pratiquement en (date) que nous avons commencé à percevoir la pige qui s’élevait à 25.000 francs. Il y a des cadres, des DG, des ministres qui sont passés à Radio Gaoua. Et quand on parle de notre situation, ils disent que c’est compliqué de nous intégrer en tant qu’agent.  Nous avons travaillé comme ça dans l’incertitude totale de 1998 jusqu’en 2006.C’est cette année qu’on a enfin été intégré.

Bafujiinfos : Parlez-nous de l’ambiance à l’époque avec les autres collègues.

Kassoum OUATTARA : A l’époque, la RTB c’était une vraie famille.  Quand vous arrivez le matin, vous n’avez pas envie de rentrer à la maison.  On ne faisait pas de distinction entre un directeur et les agents. C’était le bon vivre ensemble. Malheureusement ce climat a volé en éclat et cela se sent dans le rendement du personnel. En réalité, le social compte beaucoup dans tout service et son absence a des répercussions sur le boulot.

Bafujiinfos : Au soir de votre carrière, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

Kassoum OUATTARA : Chez nous les dioulas, il y a un proverbe qui dit ceci : « i bi se sogo dja kho djugura ». Ce qui signifie que « Tu sais bien fumer la viande mais le pied de ta grand-mère est en train de pourrir. » A travers ce proverbe, je veux dire que la RTB parle des problèmes d’autres corporations malheureusement elle ne parle de ses problèmes. Voyez-vous comment nous sommes traités ? C’est avec une grande tristesse que je pars à la retraite. Quand je regarde le cas de mon collègue Jean François DABIRE qui lui aussi est allé à la retraite cette année, je regarde mon cas et d’autres personnes, ça me fend le cœur. On a tout donné mais qu’avons-nous reçu ? C’est vraiment dommage !

Quand je regarde tout le travail que j’ai fait, aucune reconnaissance officielle, aucune attestation, aucune décoration…rien ! Nous avons beaucoup de gens qui n’ont pas fait même le quart de ce que nous avons fait mais ils ont été décoré. Ce sont ces décorations par affinités qui vont par la suite tuer le service public.

En vérité, je ne suis pas content. Je le dis haut et fort, je ne pensais pas qu’on allait nous traiter comme cela. Ça fait combien d’années nous avons fait ? Si je comprends bien ça fait 08 ans cadeau nous avons travaillé avant notre intégration en 2006. Je pense honnêtement qu’il y a beaucoup de choses que la RTB doit revoir. Même actuellement ça ne va trop. Voyez-vous, Il y a des gens qui démissionnent pour aller travailler dans d’autres structures. En l’espace d’une année, une vingtaine de personnes sont parties dans les ministères et les instituions. Pourquoi cela ? Pourquoi les gens fuient la RTB ? Tout simplement parce que les gens se donnent à cœur joie mais au finish, ils sont payés en monnaie de singe. Pour moi c’est fini, je suis à la retraite. Je plaide juste pour la cause de mes petits frères qui y sont toujours.

Dalou Mathieu DA



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