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Les Echos du Sud-Ouest

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Niska : « On a essayé de se battre avec nos armes »


Le rappeur français d’origine congolaise Niska, qui s’est fait connaître avec « Charo life », sort un album le 22 septembre, mêlant afrotrap (avec MHD) et rap hardcore. Il revient pour Jeune Afrique sur ses influences africaines.

De son featuring sur Sapés comme jamais aux « pouloulou » de Réseaux, Niska a connu une ascension fulgurante sur la scène du rap français. Depuis 2015, Stan Dinga Pinto de son vrai nom, 23 ans, fait danser dans l’Hexagone et en Afrique. Niska n’est pas vraiment ce qu’on appelle un artiste engagé. Son but est d’ »ambiancer » tout en racontant la vie de la jeunesse des cités, lui qui a grandi à Évry. Et la formule cartonne ! Le single Réseaux, issu de son prochain album Commando qui sort le 22 septembre, s’est hissé à la première place du top streaming en France avec plus de 75 millions de vues sur YouTube.

Interview avec l’artiste, très serein, dans un studio d’enregistrement parisien, quelques jours avant la sortie de son deuxième album solo.


Jeune Afrique : Après votre mixtape Charo Life et votre premier album solo Zifukoro en 2016, vous sortez le 22 septembre Commando.Musicalement, vous avez beaucoup évolué. Est-ce l’album de la confirmation pour vous ?

Niska : C’est aux fans de dire si ça l’est ou pas. Mais on a beaucoup travaillé sur cet album (pendant un an, ndlr). On a essayé de se battre avec nos armes, c’est-à-dire avec le style de musique qu’on maîtrise. On verra comment ils vont l’accueillir. S’ils trouvent que c’est l’album de la maturité, tant mieux. Sinon, il faudra en faire un autre (rires).

Vous avez fait beaucoup de projets en 2 ans, est-ce que vous n’avez pas peur de vous essouffler ? Ou bien vous estimez qu’il faut surfer sur cette vague de succès ?

Qu’est-ce qu’on appelle s’essouffler ? Si c’est ne plus aimer la musique et ne plus savoir la faire, je dis non. Je pense qu’il me reste encore quelques années devant moi pour faire de la scène.

Vous vous livrez dans vos chansons sur votre enfance, le fait de grandir en banlieue, est-ce que vous êtes d’une certaine manière le porte-voix de cette jeunesse des cités ?

Un porte-parole à moi tout seul ? Je ne pense pas. Après, je fais sans doute passer le message de beaucoup de jeunes qui vivent la même chose que moi. À travers la réussite de mes morceaux, je leur donne aussi l’envie de réussir. Quand on arrive à être dans les tops Itunes ou avoir des millions de vues, ça donne envie aux jeunes d’y croire.

Vous avez très rapidement connu un grand succès, surtout auprès d’un public jeune, qui consomme plus la musique sur les plateformes de streaming. Quelle stratégie mettez-vous en place pour cet album ?

Faire de la bonne musique déjà, c’est la première stratégie (rires). Nous n’avons pas vraiment mis en place de plan marketing pour amener les gens à acheter des disques. Mais si on réussit à faire kiffer les gens, après, normalement ça va de soi.

Justement, Réseaux, issu de l’album a beaucoup fait danser cet été, est-ce que ce sera la tonalité de votre album ?

On retrouvera beaucoup d’afrotrap. Il y a trois morceaux afro de style dansant, des morceaux très hardcore comme Chasse à l’homme ou la Wewer et quelques prises de risque. C’est-à-dire des musiques un peu plus chantées et plus mélodieuses. J’ai essayé de montrer ce que je savais faire en tant qu’artiste.

« C’est une culture avec laquelle j’ai grandi. »

En ce moment tout le monde revendique son « africanité » et fait du rap avec des sonorités africaines. Cette vague de l’afrotrap est-elle un simple phénomène de mode ?

Pour certains peut-être que c’est une mode, mais moi, c’est une culture avec laquelle j’ai grandi. Étant plus jeune, à la maison, on écoutait énormément de ndombolo, de coupé-décalé… Plus tard quand on allait en boîte, ou qu’on faisait nos soirées, on mettait aussi du zouk. Du coup ces rythmes afro se sont retrouvés dans ma musique. Ce n’est pas parce que je voulais revendiquer quoi que ce soit. J’ai grandi avec, j’écoute et c’est ce qui m’inspire.

Quelles sont vos influences musicales ?

J’écoute surtout de la musique africaine et du rap américain. En Afrique, il y a tout ce qui vient du Nigeria : Davido, P-Square, Mr Eazi. Il y a de bonnes vibes. J’aime le décalage qu’il y a dans leur musique entre leur manière d’utiliser des instrumentaux très rythmés avec des mélodies sur lesquelles on ne les attends par forcément. Et aux États-Unis c’est plus Atlanta avec des rappeurs comme Migos, 21 Savage, Gucci Mane…

Vous faites un featuring avec un poids lourd de l’afrotrap, MHD, sur le titre Versus. Parlez-nous de cette collaboration.

MHD et moi nous sommes connus il y a un an environ. Je me rappelle qu’il y avait une polémique lorsqu’il est arrivé dans la musique vu qu’il faisait de l’afro et que moi aussi j’avais bossé sur deux trois morceaux afro, notamment Sapés comme jamais. Les gens nous comparaient pour savoir qui était le plus fort. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous en avons parlé en rigolant et pour contrer tout ça, on s’est dit : pourquoi on ne leur ferait pas un petit morceau ? Essayons de mettre la barre assez haut pour qu’ils apprécient le morceau, simplement. Le résultat est un son très rythmé. C’est le plus afro de l’album.

Êtes-vous déjà allé en République du Congo, votre pays d’origine ?

Non, jamais allé.

Pourquoi ?

Par contrainte de temps… Je me suis beaucoup consacré à mes études avant de me lancer dans la musique. Les vacances scolaires j’essayais plus de faire des stages pour avoir les moyens de faire une bonne rentrée. Je n’avais pas vraiment la tête à aller au bled. Mais aujourd’hui, oui.

Des projets de concerts en Afrique ? 

La seule fois où j’ai fait un concert en Afrique c’était en Côte d’Ivoire en décembre 2016. C’était lourd. L’accueil du public… Limite j’avais l’impression d’être en République du Congo. Ce qui est intéressant en Afrique francophone, c’est qu’ils ne font pas réellement de différence. À partir du moment où tu parles français, ils te considèrent comme un des leurs. J’aimerais bien y retourner pour un concert.

Des collaborations prévues avec des artistes africains ?

J’ai déjà collaboré avec Sidiki Diabaté, on a déjà fait trois morceaux ensemble. J’aime bien ce qu’il fait. Aujourd’hui il faut avancer. Les Naijas ont la chance de parler anglais, donc leur musique est vite exportée. Nous, nous avons aussi les armes pour faire évoluer cette musique francophone à travers le monde, notamment avec ces mélanges afro. Et oui, à l’avenir j’envisage des collaborations avec des artistes africains. Ce serait intéressant de les faire connaître ici, et que nous aussi on se fasse connaître là-bas. C’est bien pour ceux qui nous écoutent. Mon public qui rencontre celui de Sidiki Diabaté. C’est deux univers différents mais lorsqu’on travaille ensemble ça donne quelque chose de nouveau. C’est comme si à l’époque Koffi Olomidé faisait un feat avec Booba (rires).

Qu’est-ce que ça vous a fait de voir Neymar danser sur votre son ?

C’est toujours valorisant et ça fait plaisir de voir que le 3e joueur mondial arrive à Paris et la première musique française qu’il reprend c’est la mienne. La musique qu’on fait aujourd’hui fait peur à certaines personnes, quand on fait des clips avec des armes et des femmes presque à poil. Les gens ont des clichés en tête : argent sale, drogue. Et aujourd’hui, que des personnes comme Neymar arrivent et aillent au-delà de ces clichés en s’ambiançant sur du rap… La musique n’a pas de frontières ! Je trouve que ça me valorise, moi et le rap français.




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