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Les Echos du Sud-Ouest

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Audience foraine à Kampti sur les cas d’excision: un président CVD écope de 12 mois de prison ferme avec une amende d’un million de franc CFA pour complicité


Le Tribunal de grande instance de Gaoua en collaboration avec le secrétariat permanent du conseil national de lutte contre la pratique de l’excision (SP/CNLPE) a tenu le mardi 22 octobre 2019 Kampti dans la province du Poni une audience foraine sur des cas d’excision. Cette audience qui s’est voulue une occasion de sensibilisation, d’éducation et de dissuasion a vu comparaitre 24 prévenus. Ceux-ci ont écopé des peines allant du sursis à l’emprisonnement ferme avec des amendes.

C’est la salle des fêtes de la Mairie de Kampti qui a servi de cadre à  cette audience foraine sur les Mutilations génitales féminines (MGF) tenue le mardi 22 octobre 2019. Prévue pour 9 heures c’est finalement à 13 heures que l’audience s’est ouverte parce que les prévenus étaient libres et résidaient dans leur village et il fallait les rassembler afin de pouvoir démarrer le procès. Après l’appel des prévenus qui se sont tous présentés à la barre, le président du Tribunal leur a notifié à chacun les charges retenues contre lui en ces termes « Vous êtes prévenus d’avoir courant 2019, aidé ou assisté une personne non encore identifiée dans des actes de mutilation génitale féminine. Ces faits sont prévus et puni par les articles 131-4, 131-6 et 513-7 du code pénal. Reconnaissez-vous les faits ? ». Aucun prévenu ne reconnait les faits et tous ont plaidé non coupable. Ils sont 24 soit 12 hommes et 12 femmes. Ils sont issus des villages de trois communes de la province du Poni à savoir Djigouè, Kampti et Périgban et sont tous parents des victimes.

Une première vague de 7 personnes a été appelée à la barre. Ils ont tous niés être impliqués de près ou de loin à ces cas d’excision, chacun prétextant une absence pour se disculper. « Je n’étais pas à la maison ce jour. Ce sont ses camarades qui partaient et elle les a suivies » a dit une d’entre eux. « Je suis allée au décès de ma sœur dans un autre village. J’ai fait trois jours et c’est à mon retour que j’ai trouvé les enfants avec les plaies » a affirmé une autre. Le président du Tribunal leur fera l’observation suivante « Ce que vous ne savez pas c’est que certaines des exciseuses sont déjà à la maison d’arrêt et de correction de Gaoua. Elles ont expliqué ce que chacun devait apporter pour faire exciser son enfant. Curieusement dans votre village ce jour-là tout le monde était absent ». Ensuite il a laissé la parole au parquet pour ses observations.

Le Procureur a cherché à savoir le sens de l’excision dans la tradition des prévenus. Chacun s’est contenté de dire que ce sont leurs grands-parents qui la pratiquaient, eux n’ont aucune idée sur sa signification. Une prévenue dira qu’elle a duré dans un pays voisin et qu’elle ne savait pas que cette pratique se poursuivait toujours au Burkina. Le procureur hausse le ton et lui fait savoir que l’excision se pratique dans ce pays mais la prévenue persiste « Ma fille est en…(elle cite un pays voisin), elle a trois enfants mais elle n’a pas été excisée ». Pour terminer avec ce premier groupe, le procureur a laissé entendre que les prévenus ont opté pour une défense en ligne.  « Ces prévenus pensent que nous sommes tombés du ciel. Nous avons fait le village. Nous savons ce que c’est que l’excision, c’est une pratique traditionnelle. C’est un rituel, un enfant ne peut pas se lever tout seul pour aller se faire exciser ». Il a continué en ajoutant que le but de cette audience est de les sensibiliser car l’excision est une infraction qui est punie de peines d’emprisonnement et d’amendes.

Après eux, un deuxième groupe s’est présenté à la barre. Il a été soumis aux mêmes interrogatoires. Les réponses également n’ont pas varié par rapport au premier groupe. « Je n’étais pas là » ; « Je ne sais pas où elles ont été excisées » ; « J’avais peur d’aller dénoncer ». Ces mêmes réponses ont été servies au parquet. Parmi eux, un président du conseil villageois de développement (CVD). Selon les dires du Président du Tribunal, celui a été complice et a feint dans un premier temps de ne rien savoir. Après avoir démobilisation la population pour une séance de sensibilisation sur les MGF, il s’est enfui en Côte d’Ivoire. Après l’audition d’un dernier groupe une suspension de quelques minutes est intervenue aux environs de 18 heures.

A la reprise trois témoins ont été appelés à la barre pour apporter un éclairage au tribunal sur ce qui s’est réellement passé : deux conseillers municipaux et un CVD. Le premier conseiller dira que c’est un de leur village qui se trouve actuellement en prison qui a fait venir l’exciseuse chez lui à domicile. Il pense que certains parents ont conduit leurs enfants en ces lieux. A la question de savoir si les enfants pouvaient aller tout seul, le témoin répondra par l’affirmative « Certaines vont se faire exciser et reviennent raconter à leurs camarades qui y vont également ». Est-ce que tout le village s’était vidé ? « Certains étaient aux funérailles et d’autres étaient au champ comme c’était la saison hivernale ». Le second conseiller a laissé entendre que lui n’était au courant de rien et c’est l’interpellation de l’exciseuse qui les a alertés.  Quant aux victimes, au nombre de 7 présentes à cette audience, leur témoignage n’aura pas permis de comprendre ce qui s’est passé. Toutes disent s’être rendues d’elles-mêmes. « Comment ont-elles appris l’information ? »  « Qui les a conduites chez l’exciseuse ? »  « Qui a payé pour qu’elles se fassent exciser ? ».  Ces questions resteront sans réponses pertinentes.

Après l’audition des témoins, le parquet a présenté son réquisitoire dans lequel, le procureur a laissé entendre qu’au total 116 filles avaient été excisées entre janvier et février 2019. Seulement la moitié d’entre elles seront retrouvées et prises en charge. Pour lui, ces prévenus sont complices et ont manifesté de la mauvaise foi tout au long de l’audience. Il a ensuite rappelé les multiples conséquences de l’excision avant de demander au procureur de requérir pour tous les prévenus une peine de prison de 3ans et une amande d’un million de francs CFA pour leur entêtement. Il sera partiellement suivi par le président du tribunal. A 20 h 45 mn, le verdict est tombé. Un des prévenus à savoir le président CVD écope de 12 mois d’emprisonnement ferme et d’une amande de 500 000 F CFA. 14 autres sont condamnés à 12 mois et 500 000 F CFA assortis de 10 mois et de l’amande de sursis. 9 autres s’en tireront avec 12 mois de prison et 500 000 F le tout assorti de sursis. Chaque condamné dispose de 15 jours pour interjeter appel s’il n’est pas satisfait du verdict, a dit le président du tribunal.

Cheick Alpha Boubacar COMPAORE, procureur près le tribunal de grande instance de Gaoua à la fin de l’audience s’est dit satisfait du verdict et espère qu’il va porter ses fruits.  Il donne d’abord l’objectif recherché à travers ce procès. « Le sens qu’on a toujours voulu donner aux audiences foraines, c’est la sensibilisation l’information et l’éducation. Vous avez vu que le tribunal a donné des peines assez exemplaires parce qu’ils (les juges) ont voulu aussi sensibiliser. Ces peines montrent que le tribunal a tenu compte de la personnalité des prévenus. Et en fait ils ont voulu également les sensibiliser, les amener à ne pas rééditer l’infraction. Tout est bien qui finit bien. Espérons qu’ils vont comprendre, qu’on ne reviendra plus ici à Kampti pour une audience foraine sur l’excision » a-t-il dit.

Même satisfecit du côté de  Alphonsine SAWADOGO présidente du conseil national de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE). « Nous sommes satisfaits d’autant plus que c’est l’effectivité de la loi qui vient d’être observée. L’objectif de ces audiences foraines, c’est de rapprocher les tribunaux des populations. Ces audiences sont pédagogiques, c’est l’opportunité pour nous de revenir sur cette pratique néfaste pour expliquer aux populations qu’elle n’est pas une bonne chose. Maintenant s’il y a des récidivistes, la loi va être appliquée dans toute sa rigueur » a-t-elle conclu.

Dar Flavien DA



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