.
.

Les Echos du Sud-Ouest

.

Sécurité routière : Axe Ouaga-Gaoua, le quotidien des surcharges et surnombre sur une route « accidentée »


Gaoua, chef-lieu de la région du Sud-Ouest est distant de Ouagadougou, la capitale burkinabè d’environ 390km. Quitter Ouagadougou pour se rendre à Gaoua, le plus souvent les gens empruntent les compagnies de transport en commun. Mais le hic, est que ces cars ne se désemplissent pas fréquemment jusqu’à destination. Malgré l’état de la route, le surnombre et la vitesse sont toujours au rendez-vous.

Ce 8 juillet 2023, il est 6h à la gare d’une compagnie de transport de la place que nous avons décidé de nommer « GT ». Six heures du matin mais la gare était déjà bondée du monde. C’est la période des vacances pour certains et les voyageurs sont au rendez-vous. Certains passagers sont assis prenant leur petit déjeuner à l’entrée de la gare, d’autres occupés à mieux ranger leurs bagages tandis que quelques-uns sont en face d’un poste téléviseur accroché au mur du hall d’attente pour prendre les informations matinales.7h 20 mn, on entend une voix qui interpelle les passagers en ces termes : « Passagers à destination de Boromo, PA, Dano, Djikologo, Diébougou, Gaoua, veuillez embarquer dans le car qui est en position départ ». Mon petit sac au dos, me voici en rang pour la vérification des tickets avant embarquement dans le car. Déjà au départ le car d’environs 70 places assises était presque plein sauf quelques 3 à 5 places vides.

« Pim pim… », claxonne le chauffeur pour afin annoncer le top de départ. Après une trentaine de minutes de route, nous sommes à la gare routière de l’ouest. Notre car « GT » marque son premier arrêt. Mais avant d’y arriver, le petit trajet parcouru pour quitter le centre-ville de Ouagadougou laisse déjà imaginer que nous aurons un parcours de calvaire puisque notre chauffeur a « brûlé » à deux reprises le feu tricolore. Dieu aidant, nous sommes à la gare de l’ouest située à la sortie ouest de Ouagadougou. Cette fois-ci, on entend crier « Gaoua, Gaoua, Gaoua pressé… » c’est la voix du convoyeur qui interpelle une fois de plus les passagers de la gare de l’ouest à destination de Gaoua à embarquer. Sept (07) nouveaux passagers font leur entrée dans le car. Parmi les sept, cinq ont eu de la place pour s’assoir. N’ayant plus de place le convoyeur et son apprenti cèdent leurs places aux deux autres et se tiennent debout à la portière à côté du chauffeur.

                         ‘’ Halte surnombre…’’

Avec 70 passagers assis et 02 debouts, le car peut maintenant se lancer sur son trajet. Le surnombre vient de commencer. Que dire ? « Que Dieu nous protège ». Après quelques minutes de route, notre car marque un second arrêt. Nous sommes au péage. Cette fois-ci, ce n’est pas pour prendre un passager mais pour prendre le ticket de route, ticket de péage. Nous voici à nouveau réparti pour notre trajet Ouaga- Gaoua. Environs dix minutes après, nous sommes au premier poste de contrôle police. « Pif… pif », c’est le bruit que nous laisse entendre le car après le freinage. Puis la portière s’ouvre de nouveau. « Contrôle police. Tout le monde descendez avec vos cartes nationales d’identité pour le contrôle » nous informe une autre voix. Chose faite et le contrôle se passe sans incidence sauf que les policiers ont contrôlé soixante-douze (72) passagers sortis d’un car de 70 places sans poser le problème de surnombre. Pouvons -nous dire à ce moment que le surnombre est autorisé dans les compagnies de transport ?

Les surcharges et surnombres sont interdites par la loi

‘’ Selon le DECRET 2014-683/PRES/PM/MIDT/MEF/MATS/MICA 01 août 2014 portant fixation des catégories de transports routiers et des conditions d’exercice de la Profession de transporteur routier dans son Titre II, sont réputés transports routiers de personnes ou de voyageurs, les services offerts au public dans un but commercial ou exceptionnellement à titre gratuit pour le transport de personnes ou de voyageurs. Plus loin dans le Titre IV, chapitre 1, il est dit que la violation des interdictions (surnombre, non-respect de la limitation de vitesse…) contenues dans les textes d’application sont passibles de sanctions. Comme sanctions proposées au chapitre 2 dudit décret, les transporteurs contrevenants aux dispositions du présent décret et de ses textes d’application encourent le retrait, temporaire ou définitif, de la licence de transport après avis de la commission consultative des transports concernée, sans préjudice des autres sanctions prévues par les lois et règlements en vigueur. Les transporteurs encourent les mêmes sanctions si leurs préposés enfreignent de façon répétitive les prescriptions relatives au respect du code de la route et aux normes de vitesse, de chargement et de gabarit. Il faut aussi ajouter qu’en ce qui concerne les normes au Burkina Faso, nos chaussées sont dimensionnées avec une charge à l’essieu de 13 tonnes. Mais quand on est en situation de surcharge ou de surnombre cela peut tripler et ce n’est pas conseillé.  ‘’

Après cette parenthèse qui recadre les choses, revenons sur notre voyage.  C’est encore reparti pour un coup de pied sur l’accélérateur pour faire avancer notre car. La vitesse était au rendez-vous. En agglomération comme hors agglomération, le chauffeur ne fait qu’accélérer seulement. La limitation de vitesse n’est pas respectée. Le chauffeur y compris les passagers, personne n’a mis la ceinture de sécurité. Le code de la route est foulé au pied par notre chauffeur du jour. Une voix osée lance de derrière : « Chauffeur, pardon roule doucement… ». Il ne fallait pas. On dirait que cette interpellation a énervé le chauffeur qui ne fait qu’accélérer soi-disant qu’il a accusé un retard.

De la règlementation en matière de vitesse

‘’ Au Burkina Faso le non-respect des limitations de vitesse est une infraction punie par la loi. La réglementation en vigueur dit qu’il faut observer une limitation de vitesse à 50 km/h en agglomération et 90 km/h en rase campagne (hors agglomération). Le décret n°73-308/PRES/PM/MTP du 31 décembre 1973 portant règlementation de l’usage des voies routières ouvertes à la circulation publique dispose en ses articles 10 et 11 que le conducteur doit rester constamment maître de sa vitesse, qu’il doit régler sa vitesse en fonction des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles et enfin qu’il doit respecter la vitesse maximum fixée par les dispositions règlementaires.

Par ailleurs, le décret n°2003-418.PRES/PM/MITH/SECU/MJ/DEF/MATD du 12 août 2003 portant définition et répression de contraventions en matière de circulation routière précise qu’il est interdit de dépasser la vitesse maximum autorisée. A cela, s’ajoutent les dispositions de l’arrêté interministériel n°2016-0005/MTMUSR/MDNAC/MATDSI du 24 mai 2016, qui édicte entre autres, l’obligation d’équiper en limiteur de vitesse tout véhicule de transport routier de marchandises, de voyageurs ou de personnes, et celle d’installer dans les véhicules de transport routier des dispositifs permettant de déterminer les temps de conduite et de repos de leurs conducteurs.

Le non-respect de la vitesse autorisée par les conducteurs de véhicules à deux roues motorisées est sanctionné par une amende de 6 000FCFA. L’amende est de 12 000FCFA pour les conducteurs des véhicules légers, et de 25.000FCFA pour les conducteurs des véhicules poids lourds ou de transport en commun.’’

Pim ! pim ! le car avance

A Sabou, après environ 90,5 km parcourus, une autre escale. Personne ne descend mais quatre autres passagers font leur entrée dans le car. Ils se tiennent debout sur l’aller. Le surnombre continue dans le car. « pim ! pim ! », le car peut encore reprendre sa route. C’est déjà grave qu’en plus du surnombre et l’excès de vitesse on assiste à une surcharge. Quand le car prend un virage ou freine, c’est le calvaire non seulement pour ceux qui sont debout mais aussi pour ceux qui sont assis. Si ce n’est pas ceux qui sont debout qui tombent sur ceux qui sont assis, ce sont les bagages placés dans les coffres au-dessus des passagers qui tombent sur les passagers. Le couloir qui sert d’aller, il faut le dire est occupé aussi par des bagages qui n’ont pas eu de place dans le coffre. Ici, on parle de surcharge.

De Sabou à Boromo, nous avons encore des kilomètres à parcourir. Le car est plein à craquer. Nous sommes au poste de contrôle police de Boromo. Ici, même scénario que celui que nous avons vécu au premier contrôle à la sortie de Ouaga. Après le contrôle de routine, nous sommes partis pour l’escale à la gare routière de Boromo. « Escale Boromo, 5mn » annonce une autre voix. C’est l’escale pour manger ou boire quelque chose afin de se faire des forces pour le reste du trajet. Après plus de 15 mn de pause, le car peut maintenant reprendre son chemin doublement chargé. Oui doublement parce que les passagers ont les ventres pleins en plus de la surcharge et du surnombre déjà consommés. Toujours le même dispositif dans le car, seulement une personne est descendue à l’escale de Boromo. A Ouahabou, une autre escale pour prendre trois autres passagers de trop. Trop c’est trop, nous avons l’habitude de le dire. Ça commence à murmurer dans le car. Les passagers en veulent au convoyeur. Des plaintes par-ci, des injures par là. Mais cela n’empêche pas le chauffeur de mettre le pied sur l’accélérateur. La fatigue se fait aussi sentir sur le visage des passagers.

12h 18mn, nous empruntons le virage de PA, dernière « ligne courbée ». Que dis-je ? Dernière ligne droite pour Gaoua.  Nous avons encore près de 168km à parcourir entre PA et Gaoua. Nous sommes sur du goudron mais un goudron détérioré avec assez de nids de poules (trous). L’état de la route impose une certaine vitesse au chauffeur. Nous roulons maintenant à une allure raisonnable mais impossible au chauffeur d’éviter ces trous. Des trous occasionnés certes par les surcharges, le surnombre, la pluie, et autres effets naturels. C’est vraiment du calvaire sur ce tronçon. Il faut aussi noter en passant que selon des études faites par le ministère des infrastructures et du désenclavement, l’Etat Burkina perd par an environ quarante (40) milliards de franc CFA à cause des surcharges…

La route tue : faisons attention

A quelques encablures de Dano, chef-lieu de la province du Ioba, nous évitons le pire. Un âne faisant son bonhomme de chemin sur la route a été évité de justesse par le chauffeur. C’est la panique dans le car. Tout le monde était debout. Des voix s’élèvent de partout : « oh seigneur », « chauffeur doucement tu sais que la route n’est pas bonne », « nous courrons vraiment le risque avec ces compagnies. C’est parce qu’on n’a pas le choix », « Que Dieu nous aide » etc. Vraiment que Dieu nous aide. Avec ce surnombre dans le car, on ne souhaite pas qu’un accident survienne. Cet épisode passé, les esprits sont revenus au calme. Nous pouvons reprendre la route.

Entre Djikologo et Diébougou, le tronçon est encore très dégradé.  Juste Après avoir dépassé le poste de contrôle de la gendarmerie de Djikologo, avant d’arriver au fleuve Bougouriba, « paf ! fiiiii… crocrocro » c’est le bruit qui nous signale qu’un pneu du car vient de se crever. Le chauffeur voulant négocier pour s’arrêter est descendu dans un trou. Il balance le car vers la gauche puis vers la droite. Les passagers sont mélangés aux bagages à l’intérieur du car. Ce fut un deuxième accident évité. Le car fini par s’arrêter.  Les passagers sortent du car pour permettre aux apprentis de changer le pneu crevé. L’occasion a été saisi pour arracher quelques mots aux occupants du car afin d’avoir leurs impressions sur ce voyage. En voici quelques réactions : Safiatou KONE revient sur l’état de la route « entre PA et ici où nous sommes arrivés, la route n’est pas du tout bonne. Ya trop de trous. Si on pouvait arranger ce tronçon, ça serait bien ». David PALE un autre passager accuse le chauffeur : « le chauffeur là déconne, la route n’est pas bonne mais y a trop de surcharge et de surnombre dans le car. La distance Ouaga-Gaoua est longue. Si à chaque kilomètre il faut s’arrêter pour prendre des gens malgré qu’il n’y ait plus de place assise dans le car, vous convenez avec moi que si y a un accident on va tous mourir. Ce n’est pas bon. Il faut que les compagnies de transport arrêtent les surcharges ». A-t-il affirmé. Le convoyeur et ses apprentis occupés à changer le pneu crevé, nous avons voulu arracher un mot au chauffeur qui n’a pas voulu répondre à nos questions. Il a juste laissé entendre « je n’ai rien à dire » avant de s’éclipser.

Après une trentaine de minutes de patience pour changer le pneu, les passagers sont invités à regagner à nouveau le car pour la suite du trajet. Il nous reste encore près de 92km de calvaire à parcourir avant d’atteindre la destination finale qu’est Gaoua. A Diébougou, nous avons fait un tour à la gare. Là-bas des passagers sont descendus certes mais d’autres sont rentrés. A cette étape de la route, si on compte peu de passagers debout, il faut tout de même dire que le car est toujours plein. Nous sommes à environ 73km de Gaoua. C’est maintenant le temps pour nous de prendre la vraie dernière ligne droite vers Gaoua. La fatigue était au comble. Si certains passagers dormaient en ce moment, d’autres ont leurs têtes baissées sur leurs portables. Chacun s’occupe comme il peut avec pour seul espoir d’arriver à Gaoua. Le chauffeur continu de poser le pied sur l’accélérateur. Une heure de route après, une pancarte nous accueille avec ces écriteaux : « Bienvenus à Gaoua ». Nous sommes au poste de contrôle police de Tonkar. Encore quelques minutes pour atteindre la gare routière de Gaoua. Mais déjà la joie se lisait sur les visages des passagers d’être enfin à Gaoua. Quelques minutes plus tard, nous voici enfin à la gare routière de Gaoua. La manière que les passagers descendaient du car laisse vraiment croire que le trajet était long, fatiguant et périlleux. Notre trajet vient de s’achever après près de 8 heures de route pour parcourir environs 400km. L’axe Ouaga-Gaoua, les compagnies de transport qui empruntent ce trajet se font du plaisir à faire de la surcharge, du surnombre dans le car et à rouler à vive allure sur une route « accidentée ». C’est vraiment un parcours de combattants. Qu’à cela ne tienne, la route tue. Soyons prudent et évitons d’être des acteurs de ces accidents de la route.

Sansan Bertin SIB

tinosbs@gmail.com



Articles similaires

One thought on “Sécurité routière : Axe Ouaga-Gaoua, le quotidien des surcharges et surnombre sur une route « accidentée »

  1. Da Bonikoun Patrice

    En cette période pluvieuse, nous devons beaucoup faire attention lors des passages d’eau de pluie. Le plus important, c’est de ne pas essayer de les traverser surtout avec un engin.

    Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *