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Les Echos du Sud-Ouest

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Combattants de l’ignorance au sud-ouest : « Aujourd’hui la noblesse de l’enseignement a pris un coût » dixit Détouré Simplice DA enseignant à la retraite


DA Detouré Simplice est un enseignant de mathématique et de physique chimie à la retraite. Syndicaliste dans l’âme et activiste des droits humains, il est aussi le fondateur lycée Privée Eureka de Gaoua. A l’occasion de l’hommage rendu aux enseignants à travers sa rubrique « combattants de l’ignorance au sud-ouest », Bafujiinfos rend hommage à un monument du système éducatif Burkinabè.

Bafujiinfos.com : Qui est Détouré Simplice DA ?

DA Detouré Simplice est un professeur de mathématique à la retraite depuis 2015, président du mouvement burkinabè des droits de l’homme et du peuple section Poni, secrétaire général du comité régional anti-corruption du Sud-ouest, proviseur et promoteur du Lycée Privée Eureka de Gaoua.

Bafujiinfos.com : Parlez-nous de votre parcours scolaire et universitaire ?

DA Detouré Simplice : Je suis rentré à l’école primaire à Boussera de 1963 à 1969. Après l’entrée en sixième je suis venu à Gaoua. Je fais partie de la première promotion des élèves du lycée Bafuji qui était au tronc commun en son temps. Après cela, on a continué à Bobo pour terminer le premier cycle au CEG de Bobo , de là je suis rentré par concours à l’école normale de Ouagadougou.

Le parcours universitaire quant à lui n’a pas été long. De 1977 à 1979 j’ai fait l’université de Ouagadougou, inscris à l’institut des Maths et PC. Ça n’a pas été long parce que je fais partie des étudiants qu’on a expulsé pour fait de grève. Donc je n’ai pas pu poursuivre les études universitaires mais après j’ai été rappelé pour faire un CAPES en Maths/ PC

Bafujiinfos.com : Quel est votre parcours professionnel depuis le premier poste à aujourd’hui ?

DA Detouré Simplice : Mon premier poste c’était en 1988 dans le Sourou de là-bas j’ai été affecté à Gaoua à l’école primaire de Niobini. Par la suite, on a été appelé pour faire une formation de professeur. Dans ma carrière d’enseignant du secondaire, j’ai enseigné à Kampti, à Dano, à Loropéni et à Gaoua et actuellement, je continue d’assurer quelques heures dans mon Lycée.

Bafujiinfos.com : Au cours de votre carrière d’enseignant, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

DA Detouré Simplice : Personnellement c’est ma nomination qui m’a le plus marqué. J’en parle parce qu’à notre temps pour être nomme chef d’établissement, il faut une demande au ministère et curieusement pendant que j’étais en plein cours en novembre 1994, je reçois l’appel d’un parent d’élève qui voulait inscrire son enfant dans mon CEG. Et pour moi c’était là où j’enseigne. J’ai dit qu’ici il n’y a plus de place et c’est en ce moment  j’apprends que je suis nommé Directeur du CEG de Loropéni et là vraiment j’ai coupé mon souffle, je ne savais pas ce que j’allais faire. Ça m’a marqué parce que je ne m’attendais pas à ça. Cela a été une occasion pour moi d’apprendre et je suis allé trouver des enfants très studieux et le passage que j’ai fait là-bas au cours des cinq années, je n’ai pas regretté.

Bafujiinfos.com : Quels ont été vos rapports avec vos collègues au cours de votre carrière ?

DA Detouré Simplice : Avec mes collègues je pense que ça va parce que je n’ai jamais eu de couac avec un enseignant depuis le primaire jusqu’au secondaire.

Bafujiinfos.com : Quel regard vous portez sur le métier d’enseignant aujourd’hui ?

DA Detouré Simplice : L’enseignement, c’est vraiment un métier très noble. Aujourd’hui avec les conditions de vie et de travail très difficile et avec la privatisation de l’enseignement aussi, la qualité en a pris un coût. On note que certains enseignants ne font pas du métier d’enseignement, un métier noble. On sent une perversion du métier à l’heure actuelle, ce qui joue sur la formation des élèves. Plusieurs facteurs expliquent cela, primo du fait que l’Etat même s’est désengagé de l’enseignement et aussi du fait que l’enseignement est privatisé à outrance. « Ne part plus à l’école qui veut mais qui peut. Bien qu’il y’ait des textes qui rendent l’école obligatoire ». Aujourd’hui la noblesse de l’enseignement a pris un coût, on sent qu’il a été dévalorisé

Bafujiinfos.com : Quelle appréciation faites-vous de notre système éducatif en tant qu’enseignant expérimenté quand on regarde le nombre de candidat au concours par rapport aux postes à pourvoir ?

DA Detouré Simplice : Le système éducatif de notre pays en réalité n’a pas varié fondamentalement depuis notre temps jusqu’à aujourd’hui parce qu’on forme les gens sans savoir ce qu’ils vont devenir demain. On ne lie pas la pratique à la théorie pour que l’enfant qui sort puisse savoir travailler de ses propres doigts. Celui qui sort de notre système éducatif aujourd’hui, la première des choses est de chercher à avoir un emploi de l’Etat. Ce qui fait qu’il y a plein de candidatures mais les postes à pourvoir sont très maigres. Sans doute, je me dis que le système éducatif que nous avons est en inadéquation avec la réalité de notre pays.

Bafujiinfos.com : Vous êtes engagé dans la lutte pour les intérêts des travailleurs et des droits de l’Homme. Parlez-nous de cette expérience.

DA Detouré Simplice : Vous savez que nous autres on est issu du milieu rural où il manque presque tout. Il n’y a pas d’école, de dispensaire ni de point d’eau et les enfants n’ont pas d’actes de naissance. Vous voyez que les droits humains sont abondamment violés et dès lors que vous apprenez qu’il y a des dispositions qui obligent l’Etat même à promouvoir ces droits, à quelque part vous êtes révoltés et vous avez envie de sensibiliser, conscientiser les populations autour de ces questions afin que leurs droits soient pris en compte. C’est dans ce cas que j’ai été militant de la F SYNTER depuis les premières heures et aussi au niveau des droits humains, depuis sa création j’ai été militant du MBDHP/ Poni.

Je me réjouis parce que la création du MBDHP a permis d’élargir le champ de liberté. Avant la création du MBDHP, tous les droits individuels et collectifs ont été violemment attaqués et le travail que nous avons fait sur le terrain à l’issu de sa création nous a permis d’avoir beaucoup d’acquis sur la question des droits humains.

Bafujiinfos.com : Quel est votre regard sur la situation nationale ? Comment appréciez-vous la transition ?

DA Detouré Simplice : La transition actuelle est venue par un coup d’Etat et moi par principe je condamne les coups d’Etat parce que ça amène le pays en arrière. Maintenant ceux qui sont là, ils ont donné les motifs, les raisons pour lesquelles ils sont venus que sont la maauvaise gouvernance, l’insécurité. On espère qu’ils vont pouvoir restaurer la paix dans notre pays. Et si cela est fait, est-ce que la mal gouvernance pourra être corrigé ? Ce qu’on voit ce n’est pas évident.

Pour que cette transition soit la dernière, chaque acteur dans ce pays doit contribuer pour qu’il ait un changement de fond, un changement radical pour que le pouvoir soit géré par le peuple et pour le peuple et en ce moment il serait difficile qu’un coup d’Etat revienne encore. Si le peuple s’assume, prend les reines et gère convenablement il n’y aura plus de place pour les transitions.

Bafujiinfos.com : Votre dernier mot

DA Detouré Simplice : Mon dernier mot c’est à l’endroit de mes collègues enseignants. Je lance un appel aux enseignants que le métier de l’enseignement est un métier noble aujourd’hui ou demain. J’invite les uns et les autres à travailler pour maintenir ce cap. C’est vrai que les conditions de vies et de travail se dégradent de plus en plus mais il faut qu’ils sachent que c’est de façon organisée qu’on engrange des acquis de façon pérenne.

Sansan Somé & Bobagnè Palenfo



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