Mimine Edith Hien, une Burkinabè résidant au Niger a fait l’objet d’une procédure policière « traumatisante » en septembre 2022 à la suite d’un incident avec une de ses clientes. L’affaire qui a été portée devant le consulat burkinabè au Niger et le ministère en charge des Affaires étrangères ici au Burkina fait débat sur les réseaux sociaux nigériens. Dans cette interview que Sidwaya lui a accordée, Mlle Hien donne plus d’explications sur ce qu’elle estime être un abus de pouvoir dont elle a été victime.
Sidwaya (S.) : Présentez-vous succinctement pour nos lecteurs.
Mimine Édith Hien (M.E.H.) : Mon nom est Mimine Édith Hien, je suis esthéticienne établie au quartier D’ar Salam Union Européenne de Niamey, la capitale du Niger. Je suis la directrice générale du salon d’esthétique dénommé « Beauty Empire By Mimine ».
S. : Comment en êtes-vous arrivée à entreprendre dans le domaine de l’esthétique ?
M.E.H. : J’aime beaucoup le domaine de la beauté, c’est cet amour qui m’a conduite à me lancer dans l’esthétique et à créer mon empire de beauté. J’ai remarqué le manque d’institut professionnel de beauté à Niamey, c’est ce qui m’a poussée à investir dans ce secteur qui était moins exploité au Niger.
S. : Comment ça se passe pour vous dans ce pays jusqu’à aujourd’hui ?
M.E.H. : Je peux dire que tout se passait bien jusqu’à ce que survienne ce problème au mois de septembre dernier qui a bouleversé ma vie.
S. : Qu’est-ce qui s’est passé ?
M.E.H. : L’histoire est très longue mais je vais la résumer. J’ai reçu une cliente qui avait un langage autre que celui de la paix. Elle m’a fait emmener au commissariat où je me suis vue opprimée. Les agents de police m’ont montré que j’étais différente. Ensuite il y a eu extorsion de fonds, abus de pouvoir et une grande injustice à mon égard.
Je signale que je n’ai pas de problème avec la justice nigérienne tout entière, mais plutôt avec ceux qui ont traité cette affaire. Malheureusement tous les regards se sont tournés vers toute l’institution judiciaire de Niger.
S. : Aviez-vous un précédent avec la cliente en question ?
M.E.H. : Cette dame n’avait jamais été vue auparavant dans mon institut de beauté et je ne la connaissais pas du tout. En ma connaissance, il n’y a jamais eu de plainte contre moi, ou du moins je n’ai jamais vu ni lu de plainte contre ma personne ou mon service.
L’incident s’est passé dans les locaux de l’institut de beauté.
S. : Pensez-vous avoir été ciblée particulièrement ?
M.E.H. : Pour cette question je dirai oui car la suite de l’histoire a confirmé cette thèse. Je pense que l’objectif ici était de m’extorquer de l’argent, de me nuire et nuire à mon business.
S. : Combien de temps avez-vous passé en garde à vue ?
M.E.H. : J’ai passé deux nuits au commissariat, celles du 10 et du 11 septembre 2022.
S. : Expliquez les conditions de votre détention.
M.E.H. : (Soupire.) J’ai d’abord été arrêtée sans convocation et d’une manière très brutale. N’eût été l’intervention d’un vieux du quartier, la police m’aurait menottée. Ensuite, la journée du dimanche 11 septembre a été la plus horrible de toute ma vie. J’ai été détenue dans une même cellule que des hommes dans ce commissariat. J’ai subi injures, moqueries, propos discriminants à mon égard, maltraitance, humiliation. J’ai sentie ma dignité de femme bafouée.
S. : Qu’est-ce qui vous fait dire que ce traitement n’est pas le même réservé à toute femme qui a affaire à la police?
M.E.H. : De ce que j’ai appris par la suite, ce type de problème n’exigeait pas qu’on me mette en cellule. La femme s’est plainte du fait que je l’aurais agressée et endommagé son téléphone portable et sa chaîne en or. Mais j’ai été traité comme si j’avais commis un crime. Et j’ai appris également que ça ne se fait pas de mélanger les femmes aux hommes.
S. : Avez-vous eu accès à un avocat ?
M.E.H. : C’est le lundi 12 septembre, lorsqu’ils m’ont dit que l’affaire va au tribunal et où j’ai été de nouveau détenue dans une cellule avec des hommes que j’ai pu acquérir les services d’un avocat.
S. : Qu’est-ce qui vous fait penser que votre situation d’étrangère a joué sur le traitement qui vous a été réservé ?
M.E.H. : J’ai été interpellée sans convocation, avec une brutalité sans raison. Ensuite j’ai été injuriée et traitée d’étrangère, et je pèse bien mes mots. Je l’ai vécu depuis le commissariat jusque devant le procureur.
La force avec laquelle ils m’ont fait payer une amende de 1 400 000 FCFA, sans que la plaignante ait apporté la preuve que son téléphone et sa chaine valaient ce montant; le fait que le procureur ne me donne pas la parole pour entendre ma version des faits; les objets qui sont inférieurs à la très forte somme qu’ils m’ont fait payer. J’ai aussi requis les services d’un avocat à 400 000 FCFA qui au final a refusé de m’accompagner pour la finalisation de l’affaire.
Enfin, j’étais censée récupérer 200 000 FCFA auprès du procureur après que j’ai payé l’amende, mais la somme a été renvoyée à la dame sans aucune explication. Pour quelle raison ? Pourquoi ?
S. : Avez-vous fait appel de la décision de justice ?
M.E.H. : Il n’y a pas eu de procès. La dame a été entendue par le procureur, ma cause n’a été entendue nulle part. Ni auprès du procureur, ni auprès d’un juge. Et c’est le procureur qui a décidé que je dois payer un million quatre cents mille FCFA à la dame.
S. : Avez-vous fait des démarches auprès du consulat burkinabè au Niger ?
M.E.H. : Oui. Lorsque j’ai été emmenée au tribunal, une de mes connaissances est allée expliquer le problème au consulat. Après, moi même je m’y suis rendue physiquement. Ils suivent l’affaire à leur niveau.
S. : Pensez-vous pouvoir rester encore au Niger ou allez-vous retourner dans votre pays à la suite de cette mésaventure ?
M.E.H. : Bonne question. Je serai rassurée si seulement la justice nigérienne se saisit de l’affaire pour faire une enquête approfondie et la lumière pour que nos deux communautés connaissent la vérité. Dans le cas contraire, sincèrement je ne sais pas d’abord si je pourrai rester au Niger. Pour ce qui est du retour dans mon Faso natal j’ai des projets en tête.
S. : Selon nos informations, l’affaire fait débat sur les réseaux sociaux au Niger actuellement et certaines versions tendraient à dire que vous avez été prise dans votre piège en voulant gagner gros. Que répondez-vous à cela?
M.E.H. : (Rire.) Non pas du tout. Nous avons toujours été respectueuse envers tous nos clients puisqu’on ne sait pas à qui on parle derrière le téléphone. Il n’y a qu’à voir la qualité de nos prestations, notre professionnalisme, le cadre et la qualité de nos produits. Nous mettons un point d’honneur sur la propreté, le cadre, l’accueil, l’esprit Smart et nous recueillons l’avis du client même après le service. Nous sommes vraiment aux petits soins des clients, d’où notre crédo : « À beauty Empire by Mimine, sentez la différence ! » Et cette différence les clientes et clients la remarque dès la première fois.
Interview réalisée
Par Fabé Mamadou OUATTARA
Sidwaya.info
Voici des agissements et comportements inadmissibles à bannir quand on veut parler d’intégration des peuples. Si, en mesure de rétorsion, la même chose se produisait avec un ou une nigérienne ici au Burkina, qu’est-ce que cela va donner ? Si l’intégration, c’est juste des paroles en l’air et sur papier, alors, que chacun se replie chez soi et qu’on s’accorde avant de la relancer. Si les autorités judiciaires nigériennes sont crédibles et si elles combattent vraiment la xénophobie, on le saura dans cette affaire.