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Les Echos du Sud-Ouest

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Moustique génétiquement modifié : une technologie efficace contre le paludisme


Le paludisme est un problème majeur de santé publique et demeure un fardeau au plan humain et socio-économique au Burkina Faso et dans plusieurs autres pays africains. Les méthodes actuelles de lutte ont aidé à baisser le nombre de cas et de décès imputables au paludisme, mais ne sont pas assez efficace pour éradiquer la maladie. C’est dans cette dynamique que des équipes de recherches de l’institut de recherche en sciences de la santé (IRSS), en collaboration avec des partenaires internationaux, travaillent sur plusieurs thématiques de recherche de lutte contre le paludisme, dont la recherche sur les moustiques génétiquement modifiés, comme nouvel outil de contrôle dans le cadre d’un projet dénommé ‘’Target Malaria’’.

Une réunion avec Target Malaria et les parties prenantes

Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé, le Burkina Faso a enregistré plus de 12 millions de cas de paludisme avec malheureusement près de 21 000 décès en 2021.

Les différentes recherches sont menées dans le but de contribuer à l’élimination du paludisme d’ici 2030 comme préconisé par l’OMS dans son document de stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030.

Target Malaria, une recherche biotechnologique contre le paludisme

Target Malaria est un projet de recherche à but non lucratif qui vise à développer et partager des technologies génétiques nouvelles, durables et économiques visant à modifier les moustiques, vecteurs du paludisme afin de réduire la transmission de la maladie.

Dans sa mise en œuvre, toutes les dispositions règlementaires ont été respectées par les chercheurs de l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé à travers le projet Target Malaria. De l’autorisation réglementaire de l’Agence National de Biosécurité (ANB) à l’accord des communautés.

Des précautions ont été prises avant d’entamer les différentes phases de ce projet, nous confie l’entomologiste médical sénior, et principal investigateur du projet au Burkina Faso Pr Abdoulaye Diabaté. Et suite à l’autorisation des autorités réglementaires et avec l’accord des communautés, le lâcher à petite échelle de moustiques mâles stériles sans impulsion génétique a eu lieu le 1er juillet 2019 dans le village de Bana.

Les objectifs du lâcher ont été atteints comme l’indiquent les résultats qui ont été partagés avec les autorités réglementaires et les différentes parties prenantes.

Les équipes de recherche ont conclu en 2021 la phase de recherche sur le mâle stérile sans impulsion génétique. Cette souche avait été importée en 2016 à l’IRSS où les chercheurs l’on étudié pendant deux ans en milieu confiné dans l’insectarium ACL-2, affirme Pr Diabaté.

Un technicien observe des larves au microscope.

6400 moustiques génétiquement modifiés lâchés

« Environ 6400 moustiques mâles génétiquement modifiés et environ 8500 moustiques mâles non génétiquement modifiées ont été libérés dans le cadre d’une étude comparative « Marquage -lâcher-Rupture » (MLR). Tous les moustiques ont été marquées d’une poudre fluorescente afin de les distinguer du type sauvage et de faciliter leur identification lors de la recapture. Un diagnostic moléculaire a également été utilisé pour identifier les moustiques génétiquement modifiés. L’étude M.L.R. intensive a duré 20 jours et a été suivie de sept mois de surveillance pour vérifier la disparition du moustique modifié dans l’environnement » explique Pr Diabaté.

Des résultats concluants

Les résultats de cette étude concordaient avec les attentes en termes d’observation du comportement des insectes sur le terrain et la validation des protocoles entomologiques de laboratoire et sur le terrain associé à l’élevage, au marquage, à la libération, à la surveillance et à la vérification moléculaire des moustiques. Selon l’investigateur principale du projet M. Diabaté, les objectifs scientifiques du lâcher ont tous été atteints. « L’étude M.L.R. et les activités de surveillance se sont déroulés comme prévu. Toutes les étapes menant au lâcher en lui -même, ont été menées en présence d’observateurs de l’ANB qui ont également vérifiés tous les protocoles », indique -t-il.

Le chercheur poursuit en expliquant que la deuxième phase de recherche au Burkina Faso correspond au moustique mâle biaisé. Il s’agit, à l’écouter, d’un moustique mâle fertile, génétiquement modifié sans la technologie d’impulsion génétique pour produire une progéniture à prédominance male (jusqu’à 95 % en laboratoire), quand il s’accouple avec des femelles de types sauvages.

Toutes ces étapes sont encadrées, rassure le Pr Diabaté. « Afin de pouvoir entamer l’étape du mâle biaisé, un dossier de demande d’autorisation avait été déposé auprès de l’agence Nationale de Biosécurité (ANB), qui est l’institution réglementaire compétente en matière de biosécurité au Burkina Faso. Après études, l’Agence Nationale de Biosécurité (ANB) a donné un avis favorable à cette demande pour l’autorisation d’expérimentation en milieu confiné à l’insectarium (ACL-2) et au laboratoire de l’IRSS, Direction régionale de l’ouest. Les œufs de la souche du mâle biaisé ont été importés en mars 2022 depuis notre institution partenaire en Italie Polo d’Innovazione di Genomica », précise Pr Diabaté.

Des réponses aux attentes des chercheurs

La première phase de cette technique a été concluante selon le Pr Abdoulaye Diabaté. « Elle a permis d’observer le comportement de ces moustiques dans la nature qui répond ainsi aux attentes des chercheurs. Elle a consisté à mener des expériences sur une souche de moustiques mâles stériles sans impulsion génétique. Lorsque ces moustiques mâles sans impulsion génétique s’accouplent avec des femelles, les œufs n éclosent pas. La stérilité est causée par une modification génétique qui n’affecte qu’une seule génération de moustiques modifiés et ne peut pas être transmise à la génération suivante parce que les insectes modifiés sont stériles, confie Abdoulaye Diabaté.

De la deuxième phase de la recherche

https://www.youtube.com/watch?v=uqRNhKn9xNE&t=31s

La deuxième phase des travaux, explique -t-il consiste à ‘’l’introduction de mâles biaisés sans impulsion génétique, avec des études au laboratoire en milieu confiné.  Ces moustiques en s’accouplant avec la femelle (anophèle), une grande partie de la progéniture sera des mâles et vu que ces derniers (les mâles) ne piquent, ni ne transmettent le paludisme, alors cela va réduire considérablement le nombre des femelles partant des moustiques responsables des maladies.

Cette fois, les moustiques seront fertiles, mais ne produiront quasiment que des progénitures mâles, grâce à une modification génétique qui devrait peu à peu se « diluer »au fil des générations, ajoute M.Diabaté. L’objectif est d’arriver progressivement à la troisième et dernière étape ; celle de l’impulsion génétique, ou gene drive (anglais). L’idée est de modifier les lois de l’hérédité pour transmettre le gène modifié masculin de génération en génération et réduire ainsi le nombre de femelles de l’espèce visée, responsable de la transmission du paludisme, et à terme toute la population d’anophèles, faute de reproductrices, indique la chercheuse à l’Imperial College de Londres, Delphine Thizy.

Une troupe de théâtre en prestation sur un site du projet, un outil de dialogue et de communication pour expliquer la recherche aux communautés.

Perspectives

Pour Pr Diabaté « la recherche n’est qu’à ses débuts et, bien que les premiers résultats semblent prometteurs, il reste encore beaucoup à faire. Au final, nous espérons développer des moustiques porteurs d’un élément d’impulsion génétique, qui biaisera l’héritage d’un caractère qui entrainerait une diminution de la transmission du paludisme par le moustique. Les moustiques à impulsion génétiques pourraient donc être un très bon outil de lutte contre le paludisme en Afrique, ce qui complèterait les méthodes de lutte antivectorielle existantes », fait comprendre le chercheur.

Un autre fait majeur, nous confie Pr Diabaté : « en plus de ces innovations, l’IRSS vient de découvrir une bactérie entomopathogène, jamais découverte qui ne s’attaque qu’aux moustiques. Sa présentation se fera avec plus de détails dans un avenir proche ».

Faut-il le signaler Target Malaria est un consortium de recherche à but non lucratif qui vise à développer et partager des technologies génétiques nouvelles, durables et économiques visant à modifier les moustiques et réduire la transmission du paludisme. L’Institut de Recherche en sciences de la Santé (IRSS) pilote ce projet au Burkina Faso.

Target Malaria rassemble des institutions d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Afrique. Le projet travaille dans quatre pays en Afrique : le Mali, le Ghana, l’Ouganda et le Burkina Faso.

 

Boubacar TARNAGUIDA

 

 



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