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Les Echos du Sud-Ouest

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Le travail des enfants dans la province du Poni : une pratique qui a la peau dure


Que ce soit sur les sites d’orpaillage, dans les débits de boisson dans les champs et plantations ou autres, les enfants sont soumis à des activités pouvant nuire à leur développement et épanouissement. Un tour dans quelques sites d’orpaillage a permis de se rencontre compte de cette réalité. Mais que faut-il faire pour venir à bout de cette pratique qui semble avoir la peau dure ? C’est une lutte de longue haleine et il ne faut pas baisser les bras nous confie Ollé KAM Directeur provincial de la femme, de la solidarité nationale, de la solidarité et l’action humanitaire du Poni.

Sur le site d’orpaillage de Sanwara dans la commune de Gbomblora, il est 15 heures ce 29 octobre 2019 lorsque nous y arrivons. Un enfant tout blanc comme enduit de kaolin nous rencontrait. Il s’appelle HIEN Sié Modeste, il est élève en classe du cours préparatoire première année de l’école de Sanwara. Nous avons engagé un dialogue avec lui pour comprendre d’où il vient et pourquoi il est dans cet état. D’où viens-tu ? Du site a-t-il répondu. Pourquoi es-tu si blanc ? J’étais dans un trou. Le trou est profond ? Oui ! Il vaut combien de mètres ? Je ne sais pas.  Comme lui, de nombreux orpailleurs sont assis ou couchés au bord des galeries pour se reposer. Parmi eux, il y avait de nombreux enfants. Un échange avec un des leurs nous a permis de comprendre qu’il y a un bulldozer qui creuse d’abord une tranchée de quelques mètres de profondeur avant que les hommes ne prennent la relève. A leur tour ce sont des galeries de petits diamètres qu’ils creusent côte à côte. Et il faut une quinzaine de mètres pour atteindre la roche qui contient le métal précieux. Ainsi dit ces enfants se retrouvent à une vingtaine de mètres sous la terre. Les troncs d’arbres transportés aux abords des galeries pour caler montrent que le sol est fragile et les risques d’éboulements ne sont pas à exclure.

Un peu plus loin c’est le « Yaar » comme ils l’appellent couramment. C’est en ce lieu que se développe le commerce mais c’est là également que le minerai est traité. Ce traitement passe par plusieurs étapes. La première est le concassage. Cette tâche est confiée aux enfants. Nous avons rencontré un groupe d’une dizaine d’enfants venus du village de Gongone dans la commune de Bousséra. Nous avons voulu comprendre pourquoi ils sont là et ce qu’ils font comme activité. C’est Dabouo leur leader qui a pris la parole. Ils sont venus a-t-il dit chercher  l’argent. Ils ont entre 12 et 15 ans mais aucun d’eux n’est scolarisé. Leur travail consiste à concasser le minerai. Ils peuvent concasser un à quatre sacs par jour et chaque sac leur rapporte 1000F. Ils le font sans aucune protection et sont exposés à la poussière et aux blessures physiques du fait du matériel qu’ils utilisent et des morceaux de pierre qui volent et qui peuvent les blesser aux yeux. Ces enfants ne sont pas conscients des risques auxquels ils sont exposés. Ce que nous avons vu n’est que la partie visible de l’iceberg en ce qui concerne la traite et autres pires formes de travail des enfants. « Le phénomène de la traite et autres pire formes de travail des enfants dans la région du sud-ouest est assez criard. C’est la région qui regorge le plus grand nombre de sites aurifères. La région fait frontière également avec le Ghana et la Côte d’ivoire, ce qui fait de cette région une zone de prédilection concernant le travail des enfants. En 2017, 837 enfants ont été recensés dans 47 sites aurifères dont le plus grand nombre vient de la province Poni qui regorge aussi le plus grand nombre de sites dans la région » nous a confié Ollé KAM Directeur Provincial de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire.

Les risques auxquels les enfants qui sont sur les sites d’orpaillage sont exposés sont très nombreux. « Il y a de fréquents éboulements. Les enfants sont utilisés dans toute la chaine de production de l’or. C’est un milieu qui regorge de beaucoup de monde. Lorsqu’il y a des crises ou des affrontements, ce sont les enfants qui paient le plus lourd tribut. Ils sont exposés aux maladies parce que les mesures d’hygiène ne sont pas respectées. Il y a la consommation des produits nocifs notamment, le phénomène de la drogue qui circule dans ces milieux » a expliqué Ollé KAM. Mais ce n’est pas tout, les filles qui fréquentent ces lieux sont exposées à l’exploitation sexuelle. Aussi, les enfants sont affectés sur le plan éducatif. Certaines écoles se sont vidées de leurs élèves qui se sont retrouvés sur les sites d’orpaillage a ajouté Monsieur KAM. Malgré les textes sur le travail des enfants et les séances de sensibilisation, le phénomène perdure. Mais  les acteurs ne désespèrent pas. « C’est une lutte de longue haleine. En matière de sensibilisation, il ne faut pas baisser les bras, ce n’est pas en une journée que les gens vont vous comprendre. La sensibilisation se poursuit. On continue à intervenir sur les sites, à rencontrer les orpailleurs. Au niveau des écoles, on travaille avec les APE (Association des Parents d’Elèves) pour éviter les flux des élèves vers les sites. La lutte est ardue mais on ne désespère pas. Nous sommes confiants que nous allons y arriver » a-t-il cependant rassuré. De nouvelles stratégies s’imposent si les acteurs veulent  venir à bout de cette pratique. C’est ainsi qu’ils travaillent à impliquer tout le monde. « Nous travaillons à impliquer tous les acteurs. Nous sommes entrain de mettre en place ce que nous avons appelé les réseaux communaux de protection de l’enfance qui sont des structures qui regroupent les acteurs qui utilisent les enfants et ceux qui ont un mandat de protection des enfants. De plus en plus il y a des dénonciations qui se font. Cela voudrait dire que la sensibilisation passe mais il faut impliquer les enfants eux-mêmes dans cette lutte. Il faut impliquer les autres acteurs comme les associations de femmes» a-t-il souhaité.

Outre l’orpaillage, il y a beaucoup de secteurs qui utilisent les enfants dans la région. Dans un rapport, 119 enfants en situation de travail ou d’exploitation ont été recensés dans les débits de boisson. 123 enfants qui aident à préparer le dolo ou à le vendre ont également été recensés dans les cabarets. Les enfants sont aussi  utilisés pour le travail domestique.  748 enfants travailleurs domestiques ont été recensés. Dans le secteur du coton, 1076 enfants ont été récences en 2009

Dans la ville de Gaoua, il y les manutentionnaires, ceux qui poussent les charrettes à traction humaine. Toutes ces situations sont des cas de traite, c’est de l’exploitation a déclaré le directeur provincial de la Femme, de la Solidarité Nationale de la Famille et de l’Action humanitaire Poni.  C’est la défaillance de l’autorité parentale qui pousse les enfants vers les sites a-t-il conclu.

Dar Flavien DA



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