C’est un homme grand de taille avec une voix dominante, il garde toujours son sourire affectif aux lèvres. Momo Koko est un enseignant atypique. Tout lieu où foule la plante de son pied, ses empreintes demeurent, les résultats parlent en sa faveur. Ceux qui le côtoient remarqueraient qu’il fait preuve d’équanimité, de bravoure qui forcent l’admiration de tous. Kambiré martin, un de ses anciens élèves de Midebdo le décrit mieux : « je retiens de lui un maître, un éducateur qui aime son travail et qui le fait avec beaucoup d’amour. Sa vocation pour son travail est indéniable. Il a l’art de transmettre les connaissances. » On apprend également de lui que la nuit tombée, monsieur Momo tournait de concession en concession pour vérifier si ses élèves étudiaient. Après 35 ans de service rendu à la nation, l’éducateur du troisième âge admis à la retraite en 2019 mène diverses activités dans son village natal. Dans cette interview accordée à Bafujiinfos, il revient sur sa carrière professionnelle, son quotidien dans sa vie de retraité et ses projets.
Bafujiinfos : Nos internautes aimeraient afficher une identité sur le visage devant notre micro ?
Momo Koko : Je m’appelle MOMO Koko, instituteur certifié admis à la retraite en 2019. Je suis marié et père de huit (08) enfants. J’ai été maire de Bouroum-Bouroum de 2017 à 2020.
Comment êtes-vous arrivé dans la fonction publique ?
Après l’obtention de mon Brevet d’étude du premier cycle de 1980-1981, j’avais deux options devant moi : BEPC plus entrée en seconde et BEPC plus les cours normaux. C’est le dernier choix qui attira mon attention. C’est ainsi qu’après mon BEPC, Je me suis retrouvé à Koudougou pour deux ans de formation avant de faire un stage de trois mois à l’école primaire de Batié. Après le stage, j’ai été déclaré apte pour enseigner. C’est donc le 01er janvier 1984 que j’ai intégré la fonction publique.
Nous savons du reste que certains vont dans l’enseignement par faute de mieux, d’autres par vocation. Qu’en est-il de votre cas ? je veux dire quelle a été votre véritable motivation ?
J’avais l’amour des enfants. Il faut dire que c’est ce qui m’a conduit dans le métier d’enseignant. Il y avait également une vision derrière ce choix. Je suis un passionné de la terre. Je voulais être enseignant pendant la rentrée et profiter des vacances pour pratiquer l’agriculture.
Parlez-nous de votre parcours professionnel ?
Un peu long mais nous allons essayer de le résumer. De 1981-1983 je le disais tantôt, j’étais élève aux cours normaux de Koudougou. A l’issue des deux années de formation, j’ai été sanctionné par le certificat de fin d’année. C’est avec ce diplôme que j’ai été affecté à Batié comme stagiaire en 1983. En décembre 1984 je fus évalué comme Instituteur Adjoint Certifié et affecté à Batié.
J’ai été désigné directeur intérimaire pendant 6 mois, de janvier jusqu’en juillet car le directeur avait des problèmes de santé. Au soir de cette fonction que j’ai assumée, on m’a trouvé très apte, très disponible, très compétent au poste de directeur par intérim et on m’a dit que je ne peux plus rester là-bas. J’ai été donc affecté en tant qu’instituteur chargé pour ouvrir une nouvelle école à Kosso en 1984.
Le 01 octobre 1987, j’ai déposé mes bagages à Midébdo, dans une école à trois classes comme directeur. Durant 13 ans soit de 1987 jusqu’en 2000 j’ai servi ce village au poste de directeur avec beaucoup d’enthousiasmes.
Après 2000, on m’a responsabilisé charger du service de l’alphabétisation à la direction provinciale de Batié. De 2002 jusqu’à ma retraite en 2019, j’étais au service de la direction régionale de l’éducation non formelle à Gaoua. Bref, toutes mes affectations étaient dirigées par les personnels de l’éducation qui me mettaient à la place qui me convenait. C’est-à-dire l’homme de la situation et je relevais les défis. Je n’ai jamais demandé à quitter un poste. À Midébdo, je faisais 100% avec mes élèves du CM2 au Certificat d’Etude Primaire.
Au regard de votre engagement et de votre amour pour le travail bien fait, est-ce que vos mérites ont été reconnus durant votre carrière par la hiérarchie ?
Quand j’étais à Midébdo, le 11 décembre 1999 j’ai été élevé au rang de chevalier de l’ordre de mérite agrafe Enseignant grâce au haut-commissaire en son temps qui trouvait en moi un enseignant dévoué. Il disait que depuis qu’il m’a connu, il ne m’a jamais vu m’absenter. Lorsqu’il venait me voir, soit je suis en classe avec mes élèves, soit avec les parents d’élèves ou la jeunesse. J’étais toujours avec mon public. Selon lui, chez eux les militaires quand on constate une telle personne, elle recevait une distinction honorifique et pourquoi pas aussi dans l’enseignement.
Ma deuxième médaille je l’ai obtenue à la mairie de Broum-Broum. Elu maire de 2017-2020, mon travail a mérité le 11 décembre 2020 la médaille d’honneur des collectivités territoriales.
Une si longue carrière professionnelle, M. Momo vous gardez de bons souvenirs certainement ?
Evidemment ! Comme je le disais j’ai choisi mon métier par vocation. Alors, je travaillais avec dévouement et les résultats m’accompagnaient partout. Certains enseignants qui étaient sous mon encadrement et qui n’avaient pas réussi des formations de bases ont bénéficié de mes expériences et sont aujourd’hui des enseignants exemplaires. Tous les milieux où je suis passé, de Batié en passant par Kosso, Midébdo et Gaoua je n’ai pas rencontré de difficultés avec le monde éducatif et la population. J’ai été à la hauteur de mes attentes. Je n’ai jamais demandé à quitter un poste.
A l’opposé que devons-nous retenir ? qu’est-ce qui vous a marqué négativement dans le métier ?
A ce niveau je note le fait que je n’ai pas fait de concours professionnel pour être soit conseillé, soit inspecteur pour des raisons de famille. Je suis resté Instituteur Certifié. J’ai des compétences pour occuper de hautes responsabilités mais faute de diplôme, je suis toujours disqualifié. Par exemple, L’Université de Koudougou cherchait un enseignant pour dispenser le cours de la transcription aux étudiants. Quand on m’a consulté, je n’avais pas le niveau d’étude requis. Je n’ai pas pu par manque de diplôme. Cela m’a profondément touché.
Quand j’étais responsable régional de l’éducation non formelle, Je me suis retrouvé avec des experts à travailler sur des documents du non formels. J’ai même fait sortir mon document en lobiri. C’était très bien mais au moment de valider, on dit « mais cet élément, il a quel niveau ? ». Les gens pensaient que j’étais diplômé en linguistique, que j’avais un master en Lettres modernes. Or, ce qui m’a permis de produire le document en langue est tout simplement un mois de formation à Loumbila avec des linguistes.
De cette expérience, quels Conseils avez-vous à l’endroit des plus jeunes qui vous liront ?
Mon conseil pour les jeunes c’est d’aller plus loin dans leurs cursus scolaires, profiter de la fleur de l’âge, ne pas perdre le temps car le pays a besoin des hommes qualifiés qui ont des diplômes pour former les cadres. Moi j’ai trainé les pas j’avais la compétence mais l’âge me faisait défaut.
Et ceux comme vous qui désirent faire carrière dans l’enseignement ?
Comme on le dit il n’y a pas de sot métier. L’enseignement est considéré comme un métier où il faut aller par vocation et par compétence. Il faut avoir un niveau. Ce n’est pas par faute de mieux qu’on y va. J’invite les jeunes qui aspirent à ce métier à avoir l’amour des enfants, aimer le travail bien fait. Travailler à être un exemple aux yeux des enfants.
Quelle est votre lecture du système éducatif au Burkina Faso aujourd’hui ?
L’éducation au Burkina Faso aujourd’hui, a fortement amélioré. A notre époque, on pouvait compter les écoles mais actuellement les établissements sont énormes. Je me rappelle au moment que j’enseignais, l’inspecteur quittait Banfora pour nous superviser. Également le taux de scolarisation a atteint un taux croissant. Il y a plusieurs niveaux : du préscolaire à l’université et la création des écoles de formations professionnelles et des universités scientifiques dans l’ensemble du territoire témoignent des efforts du gouvernement pour rehausser le taux de l’alphabétisation au Burkina.
De quoi est meublé votre vie de retraite ?
La retraite se prépare, ce n’est pas en étant retraité qu’on réfléchit sur ce qu’on veut faire. Maintenant je me suis reconverti en producteur. J’ai fait grand champ de maïs de 3ha. J’évolue également dans l’apiculteur et j’ai au total 30 ruches pour récolter le miel. Mon projet c’est d’ouvrir un centre de formation et d’alphabétisation pour les adultes.
Nous sommes pratiquement au terme de notre entretien, quel est votre dernier mot ?
Je suis très satisfait que vous ayez pensé à moi. Je souhaite bon vent à Bafujiinfos qui est très actif dans notre zone ici. Que Dieu vous aide dans votre mission. Vive Bafujiinfos !!!
Interview réalisée par Somé Sansan & Somé Nicolas
Retranscrit par Da Yéri Laurence
Un grand monsieur. J’ai travaillé avec lui quand il était à la direction régionale en charge de l’alphabétisation et moi en charge de ‘alphabétisation au PDRSO. Par son engagement et sa déterminations nous avions réussis à ouvrir plusieurs centres d’alpha dans le Sud ouest. Bonne retraite à lui