Sansan Kambou est né en 1932 à Gaoua. Il a été incorporé dans l’armée française en novembre 1952. Après près de 30 ans de service dans l’armée française puis voltaïque, Sansan Kambou qui a gravit des échelons pour devenir adjudant-chef est à la retraite depuis 1982. Cet octogénaire qui totalise plus de 36 ans de retraite est toujours solide et a encore la mémoire fraîche. Cet ancien combattant est également tradi-praticien. Bafujiinfos est allé à sa rencontre au secteur N°2 de Gaoua où il habite pour vous faire découvrir cet homme qui a fait tant parler de lui en son temps.
Bafujiinfos : Qui est Kambou Sansan ?
Kambou Sansan (K.S) : Je suis né en 1932 à Gaoua. J’ai fait mes premiers pas à l’école le 1er octobre 1945. J’ai été incorporé dans l’armée française le 26 novembre 1952. J’ai quitté l’école en 1948 après le CE2 pour suivre mes frères qui partaient en côte d’ivoire, recrutés par un blanc comme manœuvres. Il a pris mes frères et a dit que j’étais petit qu’il ne pouvait pas me prendre. Ils sont partis, arrivés à Bobo, je les ai rejoints mais le Blanc a encore refusé. J’ai fait trois mois et un jour, j’ai décidé de rejoindre mes grands frères qui sont partis à Abidjan dans la plantation du blanc. Il m’a embauché comme commis pointeur. Nous avons fait 6 mois dans la plantation avant d’aller à Abidjan ville. Là-bas, j’ai fait trois mois et on m’a téléphoné de Gaoua pour m’annoncer le décès de ma mère. J’ai décidé de rentrer. Le 12 septembre 1952, j’ai eu le permis poids léger et poids lourd à Bobo. Un mois après j’étais devenu chauffeur. Entre temps le chef de canton de Périgban est venu à Bobo dire qu’il cherchait un chauffeur. Il m’a pris je faisais le trajet Gaoua-Kampti-Doropo et Gaoua-Diébougou-Bobo Dioulasso. Il me payait 25 000F par mois.
Bafujiinfos : comment avez-vous été recruté dans l’armée ?
K.S : Le 26 novembre 1952, j’ai reçu une convocation de l’armée. Je suis allé. Et voilà comment on m’a pris dans l’armée. Quand je suis allé à Bobo, 6 mois après la formation, on m’a mis dans l’infanterie commandé par le sergent POUSS…Arrivé là-bas, comme j’étais jeune, j’ai préféré aller combattre en Indochine.
Bafujiinfos : vous avez souhaité aller combattre, est-ce qu’on vous a autorisé à le faire ?
K.S : Je suis parti au compte des soldats de l’AOF. On nous a débarqués à Marseille. De Marseille, on nous a envoyé au camp Gallieni puis au camp Decoq, à titre exceptionnel, j’ai été nommé caporal. Un jour, on a dit au détachement venu de la Haute Volta que la guerre de l’Indochine était terminée que c’est en Algérie que nous allons aller combattre maintenant contre les fellagas. On a pris le bateau et on a débarqué en Algérie. Nous étions 48 voltaïques. Le capitaine Gouillard nous a amené à la 7e compagnie. Trois jours après j’ai été retenu comme chauffeur du capitaine (Gouillard Victor). On a fait deux ans 6 mois avant d’être rapatrié. Je suis devenu caporal-chef en 1957. Le premier octobre 1958, je suis nommé sergent à Bobo Dioulasso. Je suis reparti encore en Algérie en tant que sergent. En 1961 nous sommes revenus, c’était déjà les indépendances.
Bafujiinfos : Après les indépendances, vous qui étiez des soldats français, qu’est-ce que vous êtes devenus ?
K.S : J’ai été transféré dans l’armée voltaïque le 21 novembre 1961. Quand nous sommes arrivés à Bobo, on nous a envoyés à Ouagadougou pour défiler. Le capitaine Baba Sy a dit que le capitaine Brou Louis a dit que je suis un très bon mécanicien. Il m’a réaffecté à Ouagadougou dans un garage. Une semaine après, on me nomme chef d’atelier et chef mécanicien du garage. Je suis resté au Garage pendant 4 ans, le même commandant Combasséré m’a proposé au grade de sergent-chef à titre exceptionnel le 1er octobre 1964. En 1967, j’ai été nommé adjudant à titre exceptionnel. Le 1er septembre 1972, j’ai été nommé adjudant-chef à titre exceptionnel. J’ai fait 29 ans 11 mois 16 jours dans l’armée voltaïque et l’armée française. On m’a dit que je vais partir à la retraite.
Bafujiinfos : Après l’Algérie, êtes-vous allez sur d’autres fronts ?
K.S : En 1974, j’ai fait la guerre du Mali. Ça été très difficile… j’étais chargé de ravitailler les troupes sur le terrain en carburant. Quelques temps après j’apprends que je dois aller au front avec une section de 24 militaires. Nous nous étions positionnés à Kongoussi pendant un mois 29 jours. On m’avait donné 2 150 000 F pour nourrir les soldats. Après un mois 29 jours et comme personne ne dit mot, j’ai téléphoné au chef d’état-major qui nous a donné l’ordre de rentrer. Il restait 1 800 000F. Quand je suis allé pour verser cette somme au trésor, ils ont dit de faire une décharge pour dire qu’elle a été dépensée. J’ai dit non le Lobi ne vole pas. J’ai dit de me donner un papier qui atteste que j’ai versé l’argent. Le trésorier s’est exécuté.
Bafujiinfos : Que faisiez-vous quand vous étiez admis à la retraite ?
K.S : Je suis allé à la retraite le 12 septembre 1982. Après trois ans, j’ai été élu 6e président des anciens combattants du Poni. J’ai fait 15 ans 6mois à la tête de cette structure. Je suis à présent le président d’honneur des anciens combattants. Je suis également tradi-praticien généraliste, chercheur et traitant. C’est étant président des anciens combattants, que les tradi-praticiens sont venus me voir pour être leur président puisqu’ils savaient qu’en 1948, j’ai eu un don qui me permet de soigner les gens depuis que j’étais enfant. En 2001, j’ai été élu 4e vice-président national des tradi-praticiens jusqu’à nos jours. En outre, j’ai été adjoint au chef de canton de Gaoua pendant 7 ans puis je me suis retiré.
Bafujiinfos : Malgré votre âge, vous êtes encore en forme, quel est votre secret ?
K.S : Y a pas de secret, c’est la volonté de Dieu, la femme est la 2e couverture de l’homme et le 2e fourneau. Quand vous êtes bon, Dieu vous supporte. La méchanceté ne sert pas.
Bafujiinfos : Quel conseil avez-vous à donner à la jeunesse d’aujourd’hui ?
K.S : Je vais vous dire une chose, la jeunesse ne veut pas de conseils. J’ai conseillé un jeune qui m’a dit que je ne suis pas son papa pour lui dire ça or il se dit croyant. Si les jeunes écoutent les conseils, ils vont vivre pendant longtemps. J’ai 86 ans, ce n’est pas de la sorcellerie, c’est la discipline. Désobéir à quelqu’un qui peut te mettre au monde, tu seras puni par Dieu. La jeunesse de maintenant dit que nous sommes en démocratie, ce n’est pas vrai. Moi je corrige mes enfants. L’enfant qui déconne, je le mets à genou et il est obligé de le faire. S’il désobéit il est mort puisque le papa est le 2e Dieu.
Entretien réalisé par Dar Flavien DA
Quel temoignage très édifiant. Puisse Dieu benir davantage cet homme.