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Les Echos du Sud-Ouest

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Second tour présidentielle libérienne : Weah joue le match de sa vie


C’est à croire que Joseph Boakai fait tout pour ne pas jouer cette finale qu’il sait peut-être d’avance perdue.

Alors que le second tour de la présidentielle libérienne a été fixé au mardi 26 décembre 2017 après que la Cour suprême a rejeté les différents recours introduits par certains candidats tendant à l’annulation du premier round pour cause de nombreuses irrégularités et fraudes, le vice-président sortant et porte-drapeau du United Party, la formation au pouvoir, demandait encore le report de cette partie décisive. Motif : les listes électorales ne seront pas révisées avant cette date fatidique.

Dans le principe, le « vieux Jo » (73 ans) a raison car si les hauts magistrats du Temple of Justice avaient effectivement ordonné la tenue du scrutin, il l’avait conditionnée à cette indispensable révision, ce qui n’était pas humainement faisable en si peu de temps.

C’est à se demander donc si au fond, « Sleeping Jo », comme on l’appelle pour railler sa propension à s’endormir lors des cérémonies officielles, ne veut pas jouer la montre pour briser l’élan de George Weah, à moins qu’il prépare déjà des arguments pour justifier des contestations postélectorales.

Le 10 octobre dernier, l’unique Ballon d’or africain à ce jour était arrivé, rappelons-le, en tête de la vingtaine de prétendants avec 38,4% des voix contre 28,8% pour son poursuivant immédiat.

Pour ainsi dire, il avait une foulée d’avance sur le septuagénaire ; une avance d’autant plus confortable que Charles Brumskine, arrivé troisième avec 9,6% des suffrages, et Prince Johnson, arrivé quatrième avec 8,2%, se sont ralliés à « Mister George », volant ainsi au secours d’une probable victoire de ce roturier anobli par le sport roi.

Faisons donc les comptes : 38,4% + 9,6% + 8,2% = 56,2%. Certes, une élection n’est pas une simple question arithmétique et elle l’est d’autant moins que les candidats ne sont pas propriétaires des voix de leurs électeurs, de sorte que le report escompté peut ne pas s’avérer systématique.

Comme on dirait dans le jargon sportif, le match est jouable mais il est loin d’être joué. La preuve déjà au Liberty Party. Si l’ancien avocat de Charles Taylor et certains de ses fidèles lieutenants ont apporté leur soutien au champion du CDC (Congress for democratic change), le parti est plus que jamais divisé sur la question.

Qu’à cela ne tienne, malgré ces jeux d’alliances qui pourraient se poursuivre jusqu’au seuil du bureau de vote, nonobstant ces arrangements et marchandages d’arrière-boutique qui rendent les résultats d’une élection très souvent incertains, à l’évidence, c’est un prestigieux trophée qui tend les bras à « Mister George », en passe de marquer le but le plus décisif de sa carrière politique qui n’a pas toujours été aussi heureuse que le fut son parcours footballistique.

En 2005 et 2011, il avait en effet essuyé deux échecs successifs face à Ellen Johnson Sirleaf, qui ne pouvait plus se présenter après deux mandats. Mais cette troisième tentative pourrait enfin être la bonne pour celui qui est souvent présenté comme le candidat des masses populaires et des petites gens, mais dont le faible niveau d’instruction a été jusque-là un handicap face à une nomenklatura politique qui le toisait volontiers avec condescendance, voire avec mépris.

Plus que jamais donc, Weah joue le match de sa vie. Car s’il devait s’éterniser dans cette position de Poulidor de la politique libérienne, mieux vaudrait sans doute pour lui, en cas de nouvel échec, quitter ce terrain en se disant qu’il n’est sans doute pas fait pour lui.

En tout cas, gageons que quelle que soit l’issue de ce scrutin, la fragile paix sociale dans ce pays qui sort à peine de quinze ans d’une effroyable guerre civile ne sera pas remise en cause par les ambitions des uns et des autres.




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