Le 08 novembre dernier, Olé Alain KAM a présenté les résultats de ses travaux de recherche devant un jury à l’université Thomas Sanakara. « Réflexion sur les autorités administratives indépendantes en droit burkinabè », c’est le thème de recherche de l’impétrant. Les Autorités Administratives Indépendantes (AAI) sont devenues des piliers incontournables dans le paysage institutionnel burkinabè. Cependant, leur nature hybride, oscillant entre autonomie et contrôle, soulève de nombreuses interrogations. C’est ce qu’a mis en lumière une récente soutenance de thèse, riche en réflexions et en propositions, qui s’est tenue à l’Université Ouaga II.
Après 04 ans de recherche, Olé Alain KAM, intègre le cercle très fermé des chercheurs. Il a soutenu avec brio sa thèse de doctorat composé de 400 pages devant un jury , parents et amis.
Le candidat Olé Alain KAM, dans une présentation éloquente et rigoureusement documentée, a exploré la délicate question de l’indépendance des AAI, ces « bizarreries juridiques » selon le Professeur Jean-Louis Autin. Ces institutions, présentes au Burkina Faso depuis les années 1990, se distinguent des administrations classiques par leur autonomie organique et fonctionnelle, bien qu’elles agissent au nom de l’État.
L’étude révèle que si l’indépendance des AAI est censée garantir leur impartialité, elle est régulièrement fragilisée par des interventions des pouvoirs publics et des dépendances budgétaires. En outre, l’absence d’un cadre juridique harmonisé engendre des disparités dans la protection des membres dirigeants et l’efficacité fonctionnelle des AAI.
Les travaux ont également souligné les enchevêtrements de compétences entre les AAI et l’administration classique, source de conflits et de concurrences. Ce flou, souvent entretenu par les pouvoirs publics, limite leur capacité à remplir pleinement leur mission.
Malgré ces défis, le modèle des AAI semble s’intégrer progressivement dans l’architecture institutionnelle du pays. Leur indépendance relative, combinée à des pouvoirs importants – réglementation, sanctions, arbitrage – leur permet de jouer un rôle de régulateurs dans des secteurs sensibles comme la protection des droits et la régulation économique. Cependant, l’étude appelle à une meilleure structuration de ces institutions. Une régulation plus rigoureuse de leur autonomie budgétaire et fonctionnelle, ainsi qu’une clarification des cadres juridiques, sont nécessaires pour maximiser leur impact sur l’action publique.
Une contribution aux réformes administratives
Au-delà du constat, cette thèse se veut une contribution à la réflexion sur l’amélioration de la gouvernance administrative au Burkina Faso. En montrant les limites et les opportunités des AAI, le chercheur offre des pistes pour une meilleure utilisation de ces entités, notamment par leur alignement sur les principes de transparence, de participation citoyenne et de redevabilité.
Le jury, présidé par le Professeur Jean du Bois de Gaudusson, a salué la pertinence et la profondeur des analyses, tout en appelant à leur mise en œuvre dans les politiques publiques. Les membres du jury ont également relevé la nécessité de poursuivre les recherches sur ces « objets juridiques non identifiés », véritables miroirs des réformes étatiques modernes .
Séduit par les résultats de la recherche, le jury a attribué au candidat la mention très honorable . Au delà de cette mention, un fait majeur et rarissime l’originalité, la maîtrise du sujet et sa valeur ajoutée à la recherche au Burkina Faso ont amené le jury à autoriser la publication de la thèse en l’état . A l’instar des autres membres du jury, Pr Augustin Loada, a laissé entendre que , le doctorant a fait preuve d’originalité en alliant plusieurs disciplines à la fois. « Vous avez fait à la fois du droit administratif, du droit constitutionnel, du droit comparé. Il y a aussi une dimension science administrative qui transparaît dans votre travail et qui relève d’une valeur ajoutée, parce qu’on ne peut pas comprendre certaines choses si on n’essaie pas de les expliquer au-delà du régime juridique… Malgré cette ouverture, vous êtes resté un juriste constant ! Un juriste qui révèle ses qualités dans l’écriture. Vous présentez des arguments et des thèses, vous les discutez et les réfutez avec une certaine maîtrise et cohérence »(extrait pris dans un article de lefaso.net. Soulagé et très ému, Olé Alain KAM a traduit sa reconnaissance à toutes ces personnes qui l’ont soutenu.
Avec cette thèse, le débat sur les AAI est relancé, invitant les décideurs politiques et les chercheurs à conjuguer leurs efforts pour renforcer l’État de droit et améliorer la qualité de l’administration publique.
Dalou Mathieu Da