L’occupation des terres pour l’orpaillage au détriment de l’agriculture familiale au Burkina en général et particulièrement au sud-ouest est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur. Une situation qui constitue une grande menace pour le secteur agricole pourtant pratiqué par plus de 80% de la population. Sans oublier les graves conséquences que l’orpaillage engendre sur l’environnement. Coupe du bois, dégradation des sols et usages abusifs des produits chimiques. Constat dans ce reportage.

Le fleuve Poni impacté par les activités de LSM Gold corporation
Plus de 800 sites de production artisanale d’or fonctionnels ont été enregistrés au Burkina en 2018. C’est ce qui ressort d’une étude de l’Agence Nationale d’Encadrement des Exploitation Minières Artisanales et Semi-mécanisés (ANEEMAS°. La région du sud-ouest du pays fait partie des zones les plus touchées par cette exploitation artisanale d’or avec plus de 60% des sites artisanaux répertoriés. Dans toutes les quatre provinces que compte la région on assiste à un développement exponentiel de l’activité d’orpaillage.
Orpaillage une menace incontesté pour l’environnement
Des trous béants, des superficies dévastées, des abris de fortune recouverts de plastique noir. C’est le décor dans l’un des plus grands sites de la province de la bougouriba au sud-ouest burkinabé. Implanté dans le village de Loto, à dix kilomètres de la ville de Diébougou, ce site s’étend sur une dizaine d’hectares.
Sanwnayir KAMBIRE propriétaire terrien que nous avons rencontré raconte avec désolation en ces termes: « c’est un beau matin que nous avons constaté la présence de plusieurs orpailleurs sur nos terres. Ils ont commencé à faire des trous partout disant qu’ils ont découvert de l’or. Tout ce qui est arbre, voyez vous-même ne pouvait pas résister face à leur soif d’avoir ce qu’ils veulent. Il détruit beaucoup d’arbres surtout certaines espèces qui nous servaient de plantes médicinale. »
« Lorsque les orpailleurs creusent une galerie d’une profondeur de 50,60, ou 80 mètres de profondeur voir même plus, ils entrent dans les forêts nuitamment de façon clandestine pour couper du bois afin de solidifier la galerie. Le chercheur d’or place sur les parois des troncs d’arbres découpés en morceaux au fur et à mesure que l’un de ses employés à l’intérieur avance en creusant. » Renchérit hamadou sankara un jeune apprenti orpailleur que nous avons trouvé en train de sortir d’une galerie.
Autre lieu, même constat. A ouadaradouô, un village de la commune de Gbomblora, province du poni région du sud-ouest, la population a en ras-le bol. La raison, elle a constaté la présence d’une société d’exploitation semi-mécanisée LSM gold corporation sur ses terres. Implantée selon les populations depuis le mois de juillet 2023, la société exploite l’or dans le fleuve poni qui sert d’eau de boisson pour le village. « Quand les ouvriers sont arrivés ils se sont installés dans le lit du fleuve, pourtant c’est ici, que nous buvons de même que nos animaux. Tout cet espace que vous voyez était bien touffu avec des arbres tout autour, tout cela a été détruit. La société là veut nous créer des problèmes avec les substances qu’elle utilise pour le traitement du minerai. Elle veut vraiment détruire l’âme de notre village » a déploré un natif du village sous l’anonymat.
L’or au détriment de la préservation de l’écologie, c’est la triste réalité dans la région qui regorge regorge un fort potentiel forestier et faunique.
Kirssi Evrard OUEDRAOGO est le directeur régional de l’environnement du sud-ouest.« le phénomène de l’orpaillage au sud-ouest est vraiment inquiétant. Inquiétant parce que le plus souvent les trous que les orpailleurs creusent, et après extraction du minerai ils les abandonnent pour se diriger dans d’autres sites. Du coup les trous sont remplis d’eau et constituent un grave problème pour la santé humaine mais aussi une menace pour les animaux surtout quand on sait que certaines substances nocives sont utilisées clandestinement dans ces sites.»

Vue d’un site d’extraction artisanale abandonné
L’abandon d’un site pour un autre jugé plus riche, est une pratique monnaie courante à laquelle s’adonnent nombre d’orpailleurs. Un comportant qui présente beaucoup de dangers signale le directeur régional de l’environnement du sud-ouest. « Lorsque les sols après extraction de l’or ne sont pas récupérés, il y a des contaminations. Parfois la structure du sol même est mise à rude épreuve ou la terre arabe qui est absente et donc inexploitable » regrette ce protecteur de l’environnement.
L’exploitation artisanale d’or une catastrophe agricole.
L’installation anarchique des sites d’exploitation artisanale de l’or dans la région du sud-ouest se présente comme une véritable équation qui pose de nos jours une série d’inquiétude sur l’avenir de l’agriculture.
Sur des superficies où plusieurs spéculations étaient cultivées avec de bons rendements, aujourd’hui elles sont vendues par les propriétaires terriens aux chercheurs d’or. Pour eux l’agriculture ne répond plus à leurs attentes.
KAMBIRE Sam habitant du village de Loto a loué son terrain aux chasseurs de trésors moyennant une grosse contrepartie. « Quand j’ai su qu’il avait de l’or dans mon champs, j’ai autorisé l’extraction. L’argent que j’ai eu n’est pas à comparer avec le mil que je récoltais. Je trouve l’orpaillage plus rentable. »
A Dano dans la province du Ioba le constat n’est pas reluisant, l’exploitation artisanale de l’or est la chose qui compte. « L’orpaillage joue négativement sur les cultures. Vous voyez ce site où nous sommes, nous avions des aménagements notamment des cordons pierreux, mais tout a été détruit par les chercheurs d’or. Ne pouvant pas travailler pendant la saison pluvieuse les orpailleurs se rabattent aux pierres que nous avons utilisé pour l’aménagement. Ce qui fait que les estimations agricoles sont en dessous des attentes […] » a laissé entendre Placide HIEN directeur provincial de l’agriculture du Ioba.
Autre lieu autre réalité. A KONKERA dans la province du Noumbiel, où la principale activité des populations est l’agriculture, les habitants ne savent plus à quel saint se vouer. La raison, une société minière veut s’y implantée. D’où l’inquiétude de certains producteurs à l’image de Tiolonté Jean HIEN producteur de maïs « j’exploite plus de 20 hectares pour la production du maïs et des semences. J’ai même de grandes plantations d’anacarde dans ce village. Mais à ma grande surprise, une société minière a délimité nos maisons ainsi que les champs. Elle nous a fait savoir que c’est un espace qui sera utilisé pour extraire l’or et que l’année prochaine elle va nous trouver un autre terrain pour nos activités agricoles ». « Nous ne sommes pas vraiment contents de cette décision » a-il ajouté avant de conclure « si ce n’était pas une affaire de gouvernement on refuserait toute occupation à des fins d’exploitation aurifère mais comme on n’est pas fort on attend de voir… »
Autre menace du secteur agricole c’est le manque de bras valide. A loto, les jeunes et femmes principaux acteurs de la scène agricole s’y détournent au profit de l’extraction minière. L’agriculture devient dès lors l’affaire des personnes du troisième âge. Une situation qui affecte le taux de rendement et met en recul les politiques d’accompagnements du secteur agricole agricole : « L’Etat avait aménagé des espaces au profit des jeunes pour la pratique de la maraicher culture mais beaucoup ont abandonné et rejoindre les sites d’or. Ils pensent obtenir tout là-bas en un temps record » dixit Galilou SIBALO ingénieure en statistique agricole en service à la direction provinciale de l’agriculture de la Bougouriba.
Vrai soit-il que la région du sud-ouest dispose d’énormes potentialités agricoles, mais face au développement vertigineux de l’activité d’orpaillage, le secteur agricole et l’environnement sont fortement menacés si rien n’est fait. C’est pourquoi il est urgent d’appliquer les textes qui encadrent le secteur minier et développer des politiques en faveur de la valorisation de l’agriculture et de la préservation de l’environnement.
S.M DAH