Il s’appelle Dah Léo Didier. Né le 23 mai 1965 à Léo, dans la province de la Sissili. Il vient de faire valoir ses droits à la retraite après une carrière marquée par le dévouement, l’humilité et l’amour sincère pour l’enseignement. Inspecteur de l’enseignement de base, il tire sa révérence pour la retraite ce jour 23 mai 2025 sans tambours ni trompettes, mais avec la conscience tranquille d’un homme qui a rempli sa mission.
L’histoire aurait pu s’arrêter à un refus. Revenu de Pô pour terminer son cycle primaire, le jeune Didier se heurte à un directeur d’école sceptique. Ce dernier estime qu’il ne peut faire le CM2, faute de niveau suffisant. Mais face à l’insistance et à la volonté de l’élève, il finit par céder. Et ce geste changera tout. « Il m’a métamorphosé physiquement », raconte Didier. Cette transformation deviendra la graine d’un rêve : devenir, un jour, cet homme qui redonne confiance.
La vocation prend forme en 1988, dans le bouillonnement de la Révolution. Il a servi en 1988 à l’école de Dissin Bagane, dans la commune de Dissin, au titre du Service national populaire. C’est après avoir pris goût à l’enseignement à travers cette expérience que ma vocation pour ce métier va s’enraciner dans un contexte où tout est à bâtir. C’était juste pour un an et c’est de là qu’il décide alors de s’engager dans la profession. Un concours unique – la « mission spéciale » – s’offre à lui. Il le tente, le réussit, et commence sa carrière dans le Zoundwéogo.
C’est ainsi que commence alors une longue traversée du pays : la Sissili, les Balés, le Ioba, puis la Léraba. À chaque étape, il sème des graines d’éducation. Finalement, il revient dans sa région natale, le sud-ouest et précisément dans le Noumbiel.
Affecté à Batié avec son épouse, elle aussi institutrice, il refuse d’y rester : « Nul n’est prophète chez soi. » Il demande à partir à Kpéré, essuie un refus, puis accepte un poste à Midebdo, là où l’école souffre du manque de tout.
À Midebdo, il retrouve la brousse, la vraie. À son arrivée, il assure seul les classes de CP1 et de CM2. L’école ne compte que trois classes. Grâce à son engagement, elle passe à six. Pourtant, il n’est pas encore instituteur principal. Il décide donc de franchir une nouvelle étape en 2001. La préparation est rude. Soutenu par un ami du nom de Sou Sié, il peine, doute, échoue en 2003. Mais il ne renonce pas. L’année suivante, il repasse le test, et réussit enfin.
Son attachement à Midebdo dépasse l’école. Birifor de souche, il est adopté par les populations lobis qui, dit-il, connaissaient son père. « Je me suis senti mieux ici, à 30 km de mon village. » Son épouse, elle, joue aussi un rôle clé. Face au taux élevé de déscolarisation des filles, elle prend chaque jour un carton de craie pour aller recruter dans les concessions. Ensemble, ils contribuent à remplir les salles de classe. « Ce sont des choses qui m’ont vraiment marqué », dit-il avec émotion.
Aujourd’hui, Dah Léo Didier quitte l’administration sans effusion. « Le jour de mon départ, ça ne m’a fait ni chaud ni froid », confie-t-il. Jusqu’à la dernière minute, il continue de lancer des défis amicaux à ses collègues pour arriver le premier au service. Une manière de rester fidèle à sa rigueur. Une cérémonie simple est organisée le 23 mai 2025, au cours de laquelle il est chargé de descendre le drapeau. « Après, ils ont plaisanté en me disant : ‘Bye bye, va maintenant au champ.’ »
Pour lui, l’enseignement reste une fierté. Mais l’encadrement administratif, moins. « Si c’était à refaire, j’allais opter pour l’enseignement jusqu’à la retraite. » Car encadrer des adultes, selon lui, exige plus de tact, plus de patience, plus de silence parfois.
À la jeune génération d’enseignants, il adresse un message sans détour : « J’ai l’impression que beaucoup ne sont pas venus par vocation. » Mais loin de condamner, il plaide pour la tolérance : « Il faut comprendre que ça peut arriver. » Une leçon de sagesse, forgée dans les salles de classe poussiéreuses et les villages oubliés.
Et maintenant ? Place à une autre vie. Il compte s’installer à Batié pour faire de l’agriculture. Il ira aussi, de temps à autre, sur ses terres dans la Sissili. Et s’il le peut, il compte tourner un peu dans la sous-région : le Ghana, le Mali, le Niger. Mais il le dit avec une paix intérieure évidente : « Le devoir ne m’appelle plus ailleurs. »
Dalou Mathieu Da