L’axe Ouagadougou-Gaoua, long de 386,85 kilomètres, est desservi par plusieurs compagnies de transport. Si ces trajets sont indispensables pour relier les deux villes, les conditions de voyage des passagers et des conducteurs soulèvent des interrogations. Entre surcharge des véhicules, longues heures de conduite sans relai et pauses limitées. Sur cette route, la sécurité semble reléguée au second plan. Ce reportage met en lumière les réalités de ce trajet quotidien, les témoignages des usagers, et les appels à une meilleure organisation des compagnies.
Ce vendredi matin, à la gare routière de Gaoua, l’effervescence est palpable. Il est 7 heures, et le moteur du bus vrombit, signalant le départ imminent. Dans un concert de klaxons, le véhicule s’engage sur la route sinueuse qui relie Gaoua à Ouagadougou. À peine le trajet entamé, le bus s’arrête en bordure de goudron : six passagers montent, mais faute de sièges, ils restent debout dans l’allée étroite.
À chaque escale, le scénario se répète. À Bouroum-Bouroum, Tioyo, puis Tiankoura, des voyageurs montent et descendent. L’arrêt à Diébougou, bien que limité à cinq minutes, est marqué par une animation désordonnée : passagers pressés, vendeurs ambulants, discussions bruyantes. À Boromo, une pause de 5 minutes est annoncée. Les passagers se précipitent vers les toilettes ou les vendeurs de nourriture. « Panpan panpan panpan », le klaxon du chauffeur retentit, imposant la reprise immédiate du voyage. Un jeune homme s’écrie : « Mon voisin n’est pas là ! », mais le bus redémarre. Son voisin devra rattraper le car plus loin.
Conduire jusqu’à l’épuisement
Joël Nayaga, un conducteur chevronné, décrit son quotidien : « Ce matin, j’ai quitté Ouaga à 6 heures pour arriver à Gaoua à 14 heures. Je repars pour Kampti avant de retourner à Ouaga ce soir. C’est exténuant. »
Avec près de 774 kilomètres parcourus en une journée, les chauffeurs endurent une fatigue extrême. « Les longues heures au volant affectent notre concentration. Cela augmente les risques d’accidents graves », alerte Abdoulaye Sinon, Directeur Régional du Transport du Sud-Ouest.
Pour tenir, certains chauffeurs s’appuient sur des stimulants comme le nescafé ou la cola, mais ces subterfuges sont loin d’être suffisants. « J’ai évité des accidents de justesse plusieurs fois », confie Boukary Guénokome, conducteur depuis 10 ans.
Des passagers épuisés, un trajet éprouvant
Pour les passagers, l’expérience est tout aussi harassante. Issoufou Sédogo, un habitué de la route, partage : « Nous sommes partis à 6 heures et arrivés à 14 heures. La fatigue est énorme, surtout avec l’état de la voie. »Fatoumata Tou, une autre voyageuse, évoque le calvaire des pauses limitées : «Pour nous autres qui avons le voyage de mal c’est très difficile. En plus d’indisposer les voisins, c’est la souffrance totale. À part quelques arrêts de 3 à 5 minutes, nous n’avons aucun moment pour nous détendre. Ce voyage m’a laissée avec des maux de tête et des douleurs qui durent parfois deux jours. ».
Une réglementation ignorée
La réglementation burkinabè impose une pause d’une heure après quatre heures de conduite, mais cette norme est rarement respectée. Abdoulaye Sinon insiste : « Un chauffeur qui part de Ouaga pour Gaoua devrait s’arrêter à Boromo ou à Pâ pour une heure de repos. » Pourtant, les contraintes économiques des compagnies priment souvent sur la sécurité.
Les chauffeurs réclament des conditions de travail plus humaines. « Avec deux chauffeurs par trajet, la fatigue serait mieux gérée », propose Joël Nayaga. Les passagers, eux, plaident pour un strict respect des pauses et pour des véhicules moins surchargés. Quant aux sociétés de transport, leur responsabilité est évidente : prioriser la sécurité sur la rentabilité, investir dans des chauffeurs supplémentaires et respecter les normes de repos.
À l’autogare de Gaoua, les responsables des compagnies de transport que nous avons approchés refusent de nous accorder une interview. Selon eux, « c’est Ouagadougou qui pourra vous donner des informations, monsieur le journaliste », clame un chef de gare qui souhaite garder l’anonymat. Néanmoins, il nous transmet le numéro d’un de ses supérieurs. Nous l’appelons aussitôt. « Allô, monsieur. Je suis M. DA de Bafujiinfos.com, le premier journal régional en ligne du Burkina, basé à Gaoua. Nous réalisons un reportage sur la sécurité routière, notamment sur les temps de conduite. »
À l’autre bout du fil, la réponse est courtoise mais évasive : « Oui, c’est bien noté, mais je vous reviens dans cinq minutes. » Après avoir raccroché, il nous rappelle quelques instants plus tard, mais décline finalement : « Je ne suis pas habilité à répondre. »
Le trajet Ouaga-Gaoua est un miroir des défis des transports interurbains au Burkina Faso. Seule une collaboration entre autorités, compagnies et usagers permettra de garantir des voyages sûrs et confortables. Il est urgent d’agir pour que cette route, essentielle à des milliers de voyageurs, ne devienne pas le théâtre de drames évitables.
Wonomana DA
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