.
.

Les Echos du Sud-Ouest

.

Sansan Honoré Hien: « Je ne regrette pas mon passage à la mairie de Gaoua »(deuxième partie)


Pédagogue de formation, Sansan Honoré Hien a été le premier maire élu de la commune de Gaoua. Bafujiinfos est allé a sa rencontre . Dans cette interview (deuxième partie) le natif de la commune de Gbomblora nous parle de son expérience  à la tête de la mairie de Gaoua. Lisez plutôt

Bafujiinfos : Vous avez été le 1er Maire élu de Gaoua, parlez-nous de cette expérience.

S.H.H : En tant que pédagogue, ça m’a beaucoup aidé à gérer la commune  de Gaoua. En Pédagogie on apprend à gérer les hommes. J’ai saisi cette opportunité pour gérer la commune de Gaoua. J’ai été élu maire en 1995 sous la bannière du PDP (Parti pour la Démocratie et le Progrès). J’étais entouré de conseillers municipaux qui avaient le niveau. Il y avait près de 7 instituteurs, un technicien supérieur de l’agriculture, un journaliste qui était le Directeur de la radio (rtb2 Gaoua), un juge, c’était le regretté KAMBOU Mbobo. Nous avons collaboré. Mon programme de développement de la commune de Gaoua a été réalisé à 83% je n’ai pas regretté de passer par là pour aider au développement de la ville de Gaoua. Tout s’est bien effectué. Tous les projets, tous mes programmes de développement, j’ai essayé de les suivre et j’ai vu qu’il y avait satisfaction.

Bafujiinfos : En tant que Maire qu’elles ont été vos réalisation ?

S.H.H : J’ai établi un programme de développement. Ensuite j’ai établi des priorités et ma priorité c’était la salubrité. La ville de Gaoua était sale. Les caniveaux étaient bouchés, les ponts reliant les différents quartiers étaient brisés et les tas d’ordures alors, depuis plus de 20 ans s’était entassés. Tout de suite, j’ai commencé à rendre aéré la ville. J’ai beaucoup travaillé dans ce domaine. Comme je le disais, beaucoup de ponceaux étaient cassés. La circulation entre les secteurs était difficile, j’ai fait reconstruire tous ces panneaux. Surtout le blocage des ordures ménagères dans les carrefours vraiment je n’ai pas hésité à mettre la benne de la commune à disposition pour l’enlèvement des ordures. Quand j’ai pu le faire j’étais très fier parce que c’était écœurant de voir des tas d’ordures entassés depuis plus de 20 ans et personne ne se souciait de cela.Donc, j’ai entrepris de construire le lycée Municipal. Là, j’ai réussi. Il n’y avait pas assez de caniveaux pour évacuer les eaux donc je me suis attaqué aux caniveaux. J’ai réalisé les caniveaux que vous voyez autour du secteur 3. Il y a un autre au secteur 1 qui est allé faire le tour du marché et qui est allé vers l’ancien abattoir. Mais les caniveaux, ça coûte extrêmement chers. J’ai vu que si je m’attardais la dessus, je ne pourrais pas faire les autres réalisations.

Ensuite j’ai dit qu’il  faut penser à l’éducation. Quand je me rendais au lycée Bafuji et je voyais beaucoup d’enfants surtout à la rentrée comme ça agglutinés aux fenêtres pour demander la place, ça me pinçait le cœur tout simplement  parce qu’il n’y avait pas assez d’établissements.   Donc j’ai entrepris de construire une grande gare routière. La gare qui se trouve à la sortie (route de Diébougou) avec FODCOM (Fond de Démarrage des Communes).  Je me suis battu et j’ai obtenu la construction de cette grande gare. A l’époque on me demandait de déposer 10 millions cash pour obtenir la réalisation, alors que la commune était pauvre. Je suis venu voir le trésorier général, j’ai consulté le conseil municipal et on a pu débloquer les 10 millions que je suis allé déposer sur la table du DG de FODCOM et c’est ainsi qu’on a commencé la construction de la grande gare routière. Il y avait beaucoup de critiques concernant l’ancien abatoir, les agents sanitaires disaient que l’abattoir est mal situé et qu’en cas de maladie des bêtes la population sera contaminée. J’ai réalisé le premier abattoir sur la route du Poni. Après j’ai pensé au personnel. J’ai recruté 12 agents et j’ai fondé la police municipale. J’ai fait le 1er recrutement de la police municipale, 5 agents. Je me disais que j’allais continuer de recruter les policiers jusqu’à 25 parce que à l’époque ça pouvait servir à quelque chose. Je n’ai pas oublié la santé j’ai fait construire un dispensaire maternité à Tonkar par le financement de notre ville jumelle qui est Fontenay Le comte (France) et j’ai recruté une matrone que j’ai affecté là-bas. Pour le grand hôpital, chaque fois qu’il y a du matériel grâce à mes relations avec l’extérieur j’envoyais ça là-bas. J’ai été en France, invité par notre ville jumelle, Fontenay Leconte. Le 14 juillet, au défilé j’ai vu passé des véhicules sanitaires, j’ai demandé un. On m’a accordé. Le véhicule est venu jusqu’à Lomé ici je suis allé le récupérer le remettre à l’hôpital.

Bafujiinfos : C’est vous qui avez fait le dernier lotissement de la ville de Gaoua, comment ça s’est passé ?

S.H.H : Le dernier lotissement de la ville de Gaoua, c’est de mon initiative. Je me suis posé la question de savoir comment m’y prendre parce que les quartiers périphériques demandaient à être lotis. Donc, j’ai tenu un conseil municipal et j’ai partagé mon idée avec les conseillers municipaux en leur disant qu’il m’est venu à l’idée de lotir les quartiers périphériques de la ville mais nous n’avons pas de moyens. Avec les techniciens, il faut débourser de l’argent. Pourvu que le conseil me donne feu vert. Le conseil municipal a donné son feu vert. J’ai demandé à tous ceux qui pensent au lotissement, qui veulent avoir une parcelle dans les quartiers périphériques de la ville, de souscrire et de verser chacun une somme de 25.000 francs.  Quand on va atteindre 25 millions, ça sera 1.000 parcelles de dégagées, on pourra faire le lotissement. C’est ainsi que j’ai procédé et j’ai nommé des commissions qui étaient chargées de veiller la dessus et d’organiser. Il y a eu beaucoup de souscriptions et j’ai pu obtenir les 25 millions. J’ai fait appel aux techniciens qui sont venus de Ouagadougou. Ils ont fait les études topographiques, ils ont parcouru la ville, et se sont lancés dans l’œuvre.

J’ai eu des difficultés pour ce lotissement. Il y a des quartiers qui ne voulait pas du tout parce qu’ils y a des gens qui vont nuitamment leur dire « le maire veut vous chasser de votre village, de votre quartier, donc il ne faut pas accepter.  Il veut donner ça aux étrangers donc, il faut refuser ». Quand je vais, on s’entend bien avec les chefs de ménage, avec tous les responsables du quartier, ils tiennent un beau langage et quand je retourne, ils disent qu’ils ne sont plus d’accord. Qu’on leur a fait savoir que moi je veux les chasser. J’ai dis,  moi je suis incapable de vous chasser de Gaoua, ce n’est pas possible. Je fais ça peut-être ce n’est pas pour vous mais pour vos enfants parce qu’eux auront besoin d’investir. C’est principalement au quartier Youmpi que j’ai rencontré des difficultés mais en fin de compte on s’est compris. A Gane aussi, ça n’a pas été facile. On ne peut pas lotir une partie de Gaoua et laisser l’autre. En fin de compte, le lotissement a été réalisé, et j’ai préparé une commission d’attribution des parcelles en disant à la commission, il faut tenir compte des priorités. Ceux qui habitent le quartier depuis, ceux qui ont investi, ils ont la priorité. Il faut tenir compte d’eux, de leurs enfants de toute leur famille. Tout était prêt quand le Ministre Yéro BOLY m’a appelé au téléphone pour me dire, Monsieur le Maire, vous avez fait le lotissement, c’est très beau mais je vous conseille de ne pas procéder à l’attribution des parcelles. J’ai demandé pourquoi ? Il a dit que bientôt, ça sera les élections municipales. Si j’entreprends d’attribuer, les gens diront que j’ai utilisé les parcelles pour battre la campagne électorale, il y aura des mécontents. Lui, il était sûr que j’allais avoir un deuxième mendat. Je dis donc, Monsieur le ministre, je suis parfaitement d’accord avec vous, Je vais sursoir. J’ai dit à la commission d’attendre que les élections finissent et on va poursuivre les attributions. Alors, les élections arrivent, je n’ai pas pu passer et c’est un autre Maire monsieur Ouali qui est venu faire les attributions à mon corps défendant. Ce que j’ai voulu faire, ce n’est pas exactement ce qui a été fait. Mais qu’est-ce que vous voulez ? L’administration étant une continuité,  je me suis retiré et le laisser faire.

Bafujiinfos : Qu’est – ce que vous  proposez pour assainir la ville ?

 S.H.H : Qu’est – ce que je propose ? Ça sera difficile de proposer quelque chose dont on tienne compte. Il faut être aux affaires. Je ne demande si ça vaut  la peine ? J’ai quitté la mairie depuis 2000 et personne ne m’a approché pour me demander quoi que ce soit.  Je me disais que si je faisais un deuxième mandat, j’allais refaire le grand marché et on allait le construire à niveau. Tant que ce n’est pas construit en hauteur la place est petite on ne peut pas être à l’aise dans ce marché. Pour la salubrité, il y a déjà ce qu’on appelle HIMO (des agents qui nettoient la ville), il faut que les autorités municipales aient un bon œil là-dessus. Au départ ça marchait  mais ils se plaignent, ils ne sont pas payés ils sont découragés, ils veulent abandonner. Il faut un changement de comportement. Il faut une rééducation  de la population parce que les gens ne savent pas qu’en jetant les ordures, ça amène toute la ville dans la saleté, dans la maladie. Il faut que les gens sachent qu’aujourd’hui on ne doit plus vivre comme on vivait au village : les excréments au bord des routes, partout des sachets plastiques etc. Il faut une rééducation de la population.

Bafujiinfos : Quelles ont été vos difficultés quand vous étiez maire !

S.H.H : Quand j’étais maire, surtout que j’étais le seul maire de l’opposition au Burkina Faso, le puissant ODP/MT (Organisation Démocratique et Populaire /Mouvement du Travail) ne voulait pas avaler le fait qu’un opposant soit maire. Il  ne voulait pas me laisser les mains  libres, donc je me battais et eux aussi de leur côté ils faisaient tout pour empêcher que j’avance. Heureusement les responsables politiques au niveau national, ne regardaient pas les choses de cette façon. Ils me donnaient conseils.

Bafujiinfos : Gaoua a bénéficié de nombreuses infrastructures à la faveur du 11 décembre. Comment est-ce que vous appréciez cela ?

S.H.H : Une bonne appréciation.  J’ai trouvé que c’est une bonne chose. Quand j’étais à la mairie le regretté Kanazoé (Oumarou Kanazoé) voulait faire la route nationale Gaoua – Pa, je l’ai approché et lui ai dit de songer à faire un peu de goudron dans la ville. Il a pu faire le goudron autour du marché en disant que si on a longue vie il va voir ailleurs ce qu’il peut faire dans les autres secteurs. J’avais demandé 14 km de goudron dans la ville. Il était d’accord. Aujourd’hui avec les 50km, la ville a été vraiment transformée. Avec le goudron je suis un peu perdu. Avec l’implantation des feux tricolores, c’est très bien, au lieu que les gens aillent à bobo, à Ouagadougou pour s’habituer avec ces choses si on les a déjà ici alors ça aussi c’est bon.

Bafujiinfos : Est-ce que vous êtes satisfait de l’évolution de la ville de Gaoua ?

S.H.H : Je ne suis pas entièrement satisfait parce qu’avec le 11 Décembre, il y a eu beaucoup évolution mais dans les quartiers périphériques il manque encore des infrastructures. Par exemple, les marchés des secteurs ont été négligés. J’ai créé un marché, c’était au secteur 3 ici, un marché de légumes. On a fait le plan, on a distribué les parcelles. Les femmes sont venues s’inscrire et en fin de compte, elles ont toutes abandonné. Là je n’ai pas craint de leur dire vraiment si j’avais réalisé ça dans un village mossi, on n’allait même pas attendre un mois pour que le marché soit fonctionnel mais ici nous les lobi, on n’a pas le sens du commerce. Les femmes préfèrent marcher jusqu’au  grand marché acheter un demi kilogramme de viande alors  qu’ici si on avait animé ce marché-là, ça diminuait quand même leur peine. J’ai créé un autre marché de secteur à Gbakono. J’ai cru que ça allait aider les femmes à faire leur petit commerce. Ce marché a été créé aussitôt né aussitôt mort. Il faut que nos parents comprennent qu’ils doivent investir à Gaoua. Surtout avec l’or qui est apparu, beaucoup de jeunes ont abandonné leur champ, ils sont partis dans les exploitations minières ils ont amassé beaucoup d’argent y en a qui ont récolté des millions mais ils ne pensent pas à Gaoua. Il  y a beaucoup de servies, on affecte les fonctionnaires, ils viennent, ils tournent, y en a qui sont venues me voir ici s’ils pouvaient avoir un logement. Je dis vraiment c’est dommage. A Gaoua on ne construit pas. Peut-être c’est la  sensibilisation qui a manqué, je ne sais pas.

Bafujiinfos : Quel projet, vous tient à cœur que vous aurez réalisé  si vous etiez encore Maire de Gaoua

 S.H.H : J’allais construire un autre lycée Municipal plus grand que celui-ci là. J’allais démolir le grand marché pour reprendre mon ancien plan, le construire en hauteur pour que tout le monde ait la place.

Bafujiinfos : Aujourd’hui, on parle d’incivisme, où est – ce qu’on a failli pour en arriver là ?

S.H.H : Je pense que les gens ont mal compris la démocratie. Les jeunes ont pensé que quand on parle de démocratie c’est l’anarchie. Il n’y a plus de respect de l’autorité. Tant qu’il n’y aura pas ce respect de l’autorité c’est sûr qu’il y aura toujours le laisser aller. Même dans les services, ça commencé sous la révolution où on disait aux CDR (comités de défense de la révolution) de surveiller leurs patrons. C’est parti de là. Les gens ont cru que la révolution est  venue leur ouvrir les yeux, maintenant le patron est un petit personnage, on n’a plus  à craindre quoi que ce soit de lui et petit à petit c’est parti comme ça. Dans les écoles, les enfants ne respectent plus leur maître. Il faut aussi voir la faute des parents d’élèves. Il est vrai que les châtiments corporels sont formellement interdits mais pour éduquer un enfant, il faut de temps en temps lui tirer l’oreille s’il va dans les dérives. On ne dit pas de faire couler son sang non ! Mais  s’il joue à la voyoucratie, ne suivit pas,  s’amuse en classe, tout gentiment, il faut lui tirer l’oreille. Mais aujourd’hui quand on le fait, le parent d’élève envoie au Maître une convocation de la gendarmerie disant qu’on a dit de ne plus frapper et on a frappé son enfant. Il  y en a qui insultent les maîtres à la maison. De toutes les manières sans lui tu deviendrais quelqu’un. Tu ne manges pas chez lui. Quand les enfants écoutent ça, le maître n’est plus rien. Avant on disait que le maître était le second père.  Après le père Biologique, c’est le maître d’école. Maintenant ça n’existe plus. Il y a le chômage et pour les jeunes c’est une façon de se révolter, ne pas obéir mais ce n’est pas en faisant ça que tout  de suite on  va créer des emplois, ce n’est pas possible.

Bafujiinfos : Quel peut être le remède contre l’incivisme ?

S.H.H : On ne peut pas faire de tous les jeunes Burkinabè des fonctionnaires pas du tout mais il faut créer quand même des emplois. Tous les emplois ne sont pas de la fonction publique. Il faut créer des structures pour les orienter, pour les amener vers l’agriculture, vers d’autres transformations de la nature.

Bafujiinfos : Le gouvernement a suspendu les lotissements. Est-ce une bonne chose ?

S.H.H : Moi, je trouve que c’est une erreur. Il fallait laisser les lotissements se poursuivre même si on pense que les maires et les conseils municipaux profitent pour s’attribuer des parcelles ou pour vendre des parcelles. Il faut créer des structures qui surveillent cela. Il suffit de prendre un qui est malveillant et ça va corriger tout le monde. Sans le lotissement ce n’est pas possible de vouloir investir comme on veut.  Personne ne peut prendre ses millions aller dans un non loti bâtir tout en sachant qu’un jour viendra où on lui dire de déguerpir parce qu’il n’est pas dans les normes.

Bafujiinfos : Des parcelles vides en plein centre-ville. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

S.H.H : Cela relève des compétences de la mairie. C’est la Mairie qui devait recruter des agents chargés de recenser les parcelles vides et mettre les propriétaires en garde soit on leur donne un délai de trois ou 6 mois, celui qui ne met pas sa parcelle en valeur et bien cette parcelle doit être retirée et réattribuée à celui qui est prêt pour investir. Effectivement moi aussi j’ai fait le constat qu’il y a des parcelles vides mais quand on demande depuis des années que le propriétaire a dit de ne pas toucher. Il ne construit pas,  il ne vent rien faire mais il dit de ne pas toucher. Son esprit, c’est pour vendre ça à des millions un jour. La mairie devait empêcher cela.

Bafujiinfos : Quel est votre dernier mot ?

S.H.H : Mon souhait est de voir la ville de Gaoua se transformer petit à petit et devenir une grande ville. Il faut que l’état fasse un effort pour investir dans les services sociaux et construire un autre hôpital. Faire venir des spécialistes de la santé au lieu de laisser les gens chaque fois aller vers Bobo, Ouaga. Il faut vraiment  ces grandes infrastructures de la santé et que tous les spécialistes qu’on affecte ici acceptent de venir.

Da Dar Flavien



Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *