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Les Echos du Sud-Ouest

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Région du Djôrô : un nom, une école de retour aux sources


Le mercredi 2 juillet 2025 marque une nouvelle étape dans l’histoire du Burkina Faso. Ce jour-là, en Conseil des ministres, le gouvernement a procédé à un changement historique de l’appellation des régions administratives du pays, tout en créant quatre nouvelles entités territoriales. L’ex-région du Sud-Ouest porte désormais un nom chargé de sens : la région du Djôrô, un terme profondément enraciné dans la culture du peuple des  rameaux lobi.

Cette nouvelle appellation, qui pourrait paraître anodine, revêt pourtant une grande importance symbolique et identitaire. Le Djôrô est bien plus qu’un mot. Dans la tradition lobi, il s’agit à la fois d’un rite d’initiation et d’un mode de vie, d’un chemin vers l’essentiel. Le terme signifie littéralement « levée de la route » ou « tracé du chemin », incarnant ainsi le retour aux sources, aux racines. Le Djôrô est une école traditionnelle à laquelle tout Lobi doit obligatoirement se soumettre. C’est un rite initiatique qui se déroule tous les sept ans, destiné à inculquer les valeurs fondamentales telles que l’intégrité, la bravoure, la loyauté, le patriotisme, la résilience et le respect de la communauté.

Selon Thomas Somé, figure locale bien connue, « l’initiation au Djôrô est un passage obligé pour tout Lobi. Bien avant l’arrivée de l’école coloniale, c’est à travers ce rite que se transmettait le savoir ». Il précise que c’est dans le cadre du Djôrô que l’on apprend les interdits, les plantes médicinales, les responsabilités communautaires, les règles sociales et les valeurs culturelles essentielles à la vie collective. À travers plusieurs étapes, l’initié gravit les échelons de la vie communautaire, depuis l’enfance jusqu’à la pleine intégration dans la société lobi.

Le Djôrô n’est pas propre à un seul village. Il est pratiqué sur l’ensemble du territoire lobi, y compris par les peuples installés dans la région, qui s’y conforment pour intégrer leurs enfants à cette école traditionnelle. Les autels du Djôrô seraient situés dans un village au nord de Batié, près du fleuve Mouhoun. Aujourd’hui, les rituels sont principalement conduits par les Birifor, qui en ont hérité en raison de leur proximité géographique avec les Lobi, et qui continuent de les pratiquer avec ferveur.

Le choix de cette appellation n’est donc pas fortuit. Il est porteur de valeurs telles que la cohésion sociale, la solidarité, la préservation des cultures endogènes — autant de repères recherchés dans un contexte national en quête de renaissance identitaire. « Le Djôrô, c’est tout un univers. Ce nom nous invite à défendre notre identité culturelle, nos racines. Il y a tout dedans », insiste Thomas Somé.

Les ressortissants de l’ex-région du Sud-Ouest ont déjà adopté avec fierté ce nouveau nom. « Le Djôrô, on le retrouve partout dans le pays lobi. Ils ont tenu compte de nos pratiques culturelles. C’est une fierté. Cela nous apportera du bonheur car, dans notre culture, le nom a une puissance spirituelle. Il nous accompagne et nous valorise », a salué Joseph Hien.

Madame Brigitte Kambou/Somé y voit quant à elle un geste fort du gouvernement. « Nous sommes en révolution. Je pense que le gouvernement a voulu quelque chose d’authentique, d’endogène et lié à notre identité », affirme-t-elle.

En optant pour un nom tiré du patrimoine local, le Burkina Faso ne se contente pas de modifier la toponymie. Il célèbre une mémoire, ravive une identité collective et ouvre la voie à un enracinement culturel profond. Le Djôrô n’est plus seulement un rite : il devient un territoire, un repère, une fierté partagée.

Wonomana DA



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