Depuis maintenant 10 ans, le Burkina Faso traverse l’une des crises sécuritaires les plus sombres de son histoire. En plus d’endeuiller des familles, le terrorisme a occasionné des millions de Personnes Déplacées Interne (PDI) à travers le pays. Dans la région du Sud-Ouest, plusieurs attaques ont été enregistrées et ont poussé des milliers de personnes à fuir leurs localités. Fort heureusement, L’Etat Burkinabè, avec l’appui de ses partenaires et certaines associations locales ont entrepris plusieurs initiatives au profit de ces PDI pour leur intégration dans leurs localités d’accueil dans l’attente de la fin de la crise et leur retour dans leur fief.
4 avril 2015, date de la première attaque djihadiste au Burkina Faso contre une patrouille de la gendarmerie, suivie de l’enlèvement du Roumain Gherghut Lulian, agent de sécurité à la mine de Tambao. C’est le début des atrocités dans le pays de hommes intègres. A Ouagadougou, capitale du pays, le café-restaurant Cappuccino, le Taxi brousse et Splendid Hôtel, tous situés sur l’avenue Kwamé-N’krumah, ont été effroyablement touchés par une attaque terroriste le 15 janvier 2016. Malheureusement, les attaques terroristes vont se multiplier dans toutes les régions du Burkina Faso. Les localités de la région du Sud-Ouest du pays sont victimes de la barbarie des groupes armés. On se souvient encore des attaques à Djigouè, Hélentiera, Iolonioro, Loropéni et d’autres villages. Ces attaques ont obligé les populations des localités touchées à converger vers Gaoua, chef-lieu de la région du Sud-Ouest.
Les statistiques et les mesures d’accompagnement des PDI
Ce sont environ 70158 personnes déplacées internes que la ville de Gaoua a accueillies depuis le début de cette crise sécuritaire. Ils sont des hommes, des femmes et des enfants à fuir les menaces et atrocités du terrorisme pour venir se réfugier à Gaoua. Selon Jean Guy Roland Ouattara, directeur provincial de la solidarité, de la réconciliation, du genre et de la famille du Poni, « Dès l’arrivée des PDI, ils ont d’abord été répertoriées à des fins de prise en charge. Après cette étape, avec l’accompagnement de certaines structures, elles sont inscrites à la formation des métiers tels que le tissage, la teinture, la saponification, la fabrication du Soumbala. Il faut dire que d’autres sont formés à Bobo-Dioulasso en réparation d’antennes. »
Les formations au profit des PDI
Venues de la Commune de Loropéni depuis 2022, Bafiogo Safora et Sankara Sarata se sont réfugiées à Gaoua pour échapper aux menaces terroristes. Intéressées par le tissage, elles ont choisi de se faire former au centre de formation professionnelle des filles « La voix de l’espoir ». Même si les conditions de vie sont difficiles, elles ne baissent pas pour autant les bras. Elles espèrent qu’à la fin de leur formation elles arrivent à se prendre en charge. « On se débrouille pour suivre la formation. Sinon ce n’est pas facile. Notre souhait est que les autorités nous dotent de kits nécessaires pour tisser et subvenir convenablement à nos besoins. Sinon actuellement, nous peinons à joindre les deux bouts, » a formulé Sankara Sarata.

Sankara Sarata/ PDI à l’école du tissage
Comme elles, l’association Tew- Maalou à travers son centre de formation professionnelle des filles « La voix de l’espoir » a accueilli au total plus de 300 femmes déplacées internes. « Nous avons accueilli et continuons d’accueillir des personnes déplacées internes en partenariat avec la direction provinciale de l’action sociale où nous sommes allés faire quelques entretiens à travers des causeries. Nous avons d’abord cherché à connaitre leur besoin parce que la formation, il ne faut pas la faire pour faire. Elle doit être utile à la personne, et si la personne a un peu de passion sur la filière, ça passe. C’est dans les échanges que nous avons vu de l’intérêt de certaines personnes pour le tissage, la saponification, la teinture ‘’confection de kôkô-donda’’ et la transformation des produits locaux. Il y a aussi un petit groupe de 60 personnes qui ont appris la fabrication du soumbala. En tout, nous avons formé 300 personnes déplacées internes dont 200 en fabrication de beurre de karité, de savon, 65 en transformation de soumbala et 35 en tissages et teinture. Le nombre en formation en teinture est peu parce que l’équipement est insuffisant dans notre centre. Il Y a beaucoup de personnes qui viennent dans notre centre parce qu’elles ont appris cela de bouche à oreille. Nous sommes ravis d’apporter un peu de connaissance à nos sœurs obligées de quitter leurs localités. Il faut dire que la formation est gratuite. » a précisé Youl/Méda Judith, présidente de l’association Tew- Maalou, responsable du centre de formation professionnelle des filles « La voix de l’espoir ».
L’Association pour la Promotion de la Femme à Gaoua (APFG) est dans la même dynamique que la première à s’avoir, former et accompagner les personnes déplacées dans la cité de Bafudji. Elle a également accueilli et formé des centaines de PDI.
Grace à ces programmes de formation des centres de formation, plusieurs femmes mènent désormais des activités génératrices de revenus à en croire Youl/Méda Judith. « Nous avons pu installer 15 au total avec les kits au complet. Il faut souligner que le programme 1000 métiers du ministère de la promotion de la femme nous a beaucoup aidé à accompagner les déplacées internes qui étaient ici. Notre association avait bénéficié de ce programme. Cela nous a beaucoup aidé à fournir les kits d’installation. Ce projet a accompagné les 35 premières à s’installer et maintenant ça va. Récemment, nous avons effectué une visite pour nous enquérir du déroulement des travaux et nous avons remarqué qu’elles sont assidues et ça va beaucoup, » a-t-elle confié.
De la couture à la réparation de téléphone portable
Les hommes déplacés internes aussi arrivent à tirer leur épingle du jeu. Si la plupart ont convergé vers les sites d’orpaillage, Kiemdé Adama, lui a choisi autre chemin. Il était autre fois, couturier à Djibo dans la province du Soum. Après l’attaque de son village, il décide de mettre sa famille à l’abri ailleurs. Une fois à Ouaga, et n’ayant pas d’activité à mener, il y laisse sa famille pour tenter sa chance à Gaoua. « Mes débuts à Gaoua n’étaient pas facile. Il fallait se lever quotidiennement tourner de gauche à droite espérant avoir sa pitance quotidienne. », s’est-il souvenu. Son abnégation a fini par payer. Lui, autre fois sujet à certains préjugés a su se trouver une place au soleil à Gaoua. « Après une formation en réparation de téléphone portable grâce à l’accompagnement des autorités, j’ai réussi à ouvrir mon atelier de réparation. En plus de ce métier, je forme les autres PDI dans la transformation des produits locaux, la saponification à la demande de certaines structures, » a-t-il précisé. Kiemdé Adama est aujourd’hui le représentant de PDI à Gaoua.
En plus des efforts conjugués des autorités provinciales, certains fils de la cité de Bafudji ont œuvré efficacement pour l’insertion sociale des Personnes Déplacées internes à Gaoua. Le Chef de Canton de Gaoua, sa majesté Bifaté 2 est de ces Héros.
L’accompagnement limité par le manque de ressources
Les ressources sont insuffisantes pour un accompagnement optimal des PDI à en croire le directeur provincial de la solidarité, de la réconciliation, du genre et de la famille du Poni. « Le nombre de PDI que nous accompagnons à travers les formations est peu par rapport à leur nombre. Mais, nous travaillons sur des programmes d’accompagnement, avec l’appui des partenaires à permettre à un grand nombre de bénéficier de ces formations. » a rassuré Jean Guy Roland Ouattara.
De leur côté, les responsables des centres de formation des PDI lancent leurs cris de cœur : « Nous avons des bailleurs qui veulent nous aider dans l’accompagnement mais, nous ne disposons pas de locaux propres à nous. Notre appel à l’endroit des autorités est de nous accompagner avec des espaces sécurisés. Sur un bâtiment d’emprunt, on ne peut pas faire grand-chose. Le manque d’espace fait que nous sommes sur trois sites à travers la ville. Cela fait que le travail n’est pas harmonisé », a plaidé Youl/Méda Judith.

Mme Youl/Méda Judith, présidente de l’association Tew- Maalou, responsable du centre de formation professionnelle des filles « La voix de l’espoir »
Une fois la paix et la sécurité retrouvées, les Personnes Déplacées Internes de la Ville de Gaoua comptent mettre les métiers appris au service du développement économique de leurs localités de départ. Pour l’heure elles sont assidues à l’apprentissage pour certains et au perfectionnement pour d’autres.
Par Antoine BICABA