Gaoua, ville située dans la région du Sud-Ouest du Burkina Faso, est l’un des hauts lieux de production et de consommation du dolo, cette bière locale fabriquée à base de mil germé, également appelée tchapalo. Avec plus de deux cents cabarets fonctionnels, la ville est réputée pour la qualité de son dolo. Ces établissements, souvent constitués de maisons en banco et de hangars équipés de bancs, accueillent quotidiennement une clientèle fidèle.
À Gaoua, les vendeuses de dolo jouent un rôle essentiel dans l’économie locale. Elles sont regroupées en associations, condition sine qua non pour toute femme souhaitant se lancer dans cette activité. L’adhésion à une association permet d’obtenir un tour de préparation dans un cabaret. Chaque vendeuse doit non seulement payer un loyer pour l’utilisation du local mais aussi veiller au respect des normes d’hygiène.
Au sein du cabaret de l’Association pour la Promotion Féminine de Gaoua (APFG), dix-sept femmes se relaient quotidiennement pour préparer le dolo. La responsable de ce cabaret précise que l’APFG met à disposition des dolotières la matière première, la sonorisation ainsi que tout le matériel nécessaire à la production. « Après la vente, chaque dolotière doit payer 5 000 F CFA pour la location du bâtiment et du matériel », explique-t-elle.
Deux fois par mois, les membres de l’association se réunissent pour discuter du fonctionnement du cabaret et des éventuels défis rencontrés.
Des cabarets animés, des consommateurs fidèles
À Gaoua, les cabarets restent ouverts sept jours sur sept, pour le plus grand plaisir des consommateurs. Ces derniers, fidèles à cette tradition, s’y rendent à toute heure. Pour certains, le dolo est synonyme de détente, tandis que pour d’autres, il s’agit d’un rituel quotidien.
« Chaque week-end, je viens profiter de la bonne ambiance de ce cabaret que je fréquente depuis maintenant dix ans », confie Ollo, un client assidu, avant d’avaler d’un trait le contenu de sa calebasse.
L’intervention des moulins mobiles
L’après-midi, les cabarets de Gaoua connaissent une forte affluence. Consommateurs, préparatrices et vendeuses de dolo se croisent dans une atmosphère animée. Vers 15 heures, l’arrivée de moulins mobiles, installés sur de vieilles motos, perturbe un instant la musique du cabaret.
Samuel Nikièma, sexagénaire et propriétaire d’un moulin mobile, sillonne les cabarets de la ville depuis 1997. Il facilite le travail des dolotières en moulant le mil sur place. Ce service, facturé à 750 F CFA par préparation, est un maillon clé de la chaîne de production du dolo.
Un secteur confronté à plusieurs défis
Malgré le dynamisme du secteur, plusieurs obstacles freinent les activités des dolotières.
D’abord, la cherté du mil impacte directement leur rentabilité. Ensuite, la rareté croissante du bois de chauffe constitue une menace pour la production du dolo. Consciente de l’enjeu environnemental, l’APFG sensibilise ses membres à la coupe raisonnée du bois afin de préserver les ressources naturelles.
Par ailleurs, certaines dolotières doivent faire face aux comportements inappropriés de clients ivres, parfois agressifs. Mme Kambou se souvient d’un incident marquant : « Un client ivre s’est mis à insulter tout le monde au cabaret. À cause de lui, je n’ai pas pu écouler tout mon dolo car il chassait mes clients », déplore-t-elle.
Le dolo, un produit à la fois culturel et économique
Le dolo est profondément ancré dans les traditions du Sud-Ouest. Il accompagne toutes les grandes cérémonies : baptêmes, funérailles, mariages, offrandes aux ancêtres, travaux champêtres, etc.
Au cabaret de l’APFG, la préparation d’un lot de dolo nécessite un sac de mil de cent kilogrammes. Grâce à cette activité, de nombreuses femmes subviennent aux besoins de leur famille, finançant la scolarisation de leurs enfants, les soins médicaux et la nourriture.
Les revenus générés par cette filière bénéficient également à la commune de Gaoua, à travers la collecte de taxes qui contribuent au développement local.
Malgré la concurrence des boissons industrielles, le dolo reste très prisé à Gaoua. De nombreuses initiatives visent à valoriser cette boisson locale et à améliorer les conditions de travail des dolotières.
Ainsi, au-delà d’une simple bière artisanale, le dolo représente un véritable patrimoine culturel et un levier économique majeur pour la région.
Antoine BICABA