Un an après le décès de Louis Armand Ouali, ancien ministre et figure politique burkinabè, Abdoul Karim Sango lui rend un hommage empreint de reconnaissance et d’émotion. De leur rencontre en 2011 à leur compagnonnage politique, l’ancien ministre de la Culture revient sur le rôle déterminant qu’a joué celui qu’il appelait affectueusement « vieux père ». Une relation faite de conseils, de confiance et de transmission. Ce témoignage fort rappelle que dans la mort, ce qu’il y a de plus tragique, c’est l’oubli. Et Louis Armand Ouali, lui, ne sera jamais oublié.
Ce qu’il y a de tragique dans la mort, c’est l’oubli!
Il y a un an, le 27 juin 2024, je perdais mon vieux père OUALI Louis Armand Myemba! Aujourd’hui le 28 juin 2025, nous avons commémoré l’an 1 de son décès à la Cathédrale de Gaoua, suivi de la bénédiction de sa tombe.
Ministre sous le régime du capitaine Thomas SANKARA, député sous plusieurs législatures de la province du Poni, Maire de la ville de Gaoua, Conseiller spécial du Président KABORE, diplomate chevronné et haut fonctionnaire du ministère en charge des affaires étrangères, tel est brièvement résumé le parcours de cet homme que j’ai rencontré fortuitement en 2011 par le canal d’un ami commun Chiquette Diallo quand je postulais pour un second mandat en qualité de Commissaire à la Commission électorale nationale indépendante. A l’époque, je ne le connaissais qu’à travers la profondeur de ses réflexions partagées dans les organes de presse, et lui était député UPC, moi Secrétaire aux affaires politiques du Paren.
Lorsqu’on lui a appris que je postulais le poste de Commissaire, il s’est tout de suite engagé à mes côtés pour me faire élire sur la liste de l’opposition après avoir obtenu le Ok du Président Zéphirin Diabré. Ce jour-là, il me fit venir chez lui et me dit mon petit je ne te connais qu’à travers tes interventions publiques, mais pour toi je suis prêt à faire le tour du collège électoral composé des chefs de partis politiques de l’opposition. J’ai foi qu’une ressource comme toi, nous représentera valablement et dignement. Il a tout de suite sauté dans ma voiture et m’a conduit vers tous les chefs de partis qui ont tous accepté de m’accorder leur soutien. Je puis dire qu’il a été l’architecte de mon élection à ce deuxième mandat. Voilà comment lui et moi n’allions plus jamais nous quitter jusqu’au jour fatidique de sa mort alors que je n’avais même pas appris qu’il avait le moindre bobo.
En 2018, c’est encore lui qui va me convaincre d’accepter occuper une fonction ministérielle (vous lirez le récit complet de cette histoire de nomination dans mon livre Pour la culture je plaide).
Le vieux père avait une admiration pour ma modeste personne, j’en cherche toujours l’explication puisque je suis de très loin son cadet, et il s’était donné comme obligation morale de me protéger contre ma propre personne. « Karim tu es têtu et naïf, tu vis dans un monde qui est différent de celui dans lequel j’ai fait mon parcours politique, fais attention à toi », aimait-il à me répéter. Chacune de mes interventions publiques, lui était soigneusement rapporté et nous avions des séances d’explication de plusieurs heures. Pourquoi tu as écrit ou affirmé telle chose. Les gens pensaient à tort qu’il avait le pouvoir de contrôler mon esprit. As-tu discuté au préalable de ce que tu as dit avec le Professeur Bado? Je te conseille de ne plus rien écrire, tais-toi et observe le cours des évènements. Les gens sont méchants, mon petit! Ne commets pas les mêmes erreurs de ton Me Bado et de moi-même! Peu de temps, après, je faisais une nouvelle sortie. On la lui rapportait, nouvelle séance d’explications! Même en étant ministre et conseiller spécial (nous étions collègues auprès du Président du Faso), plus tard, le vieux père s’obstinait à veiller sur son bon petit.
Je dois reconnaître que j’ai eu beaucoup de chances d’avoir rencontré ce grand patriote, serviteur désintéressé de l’État. Il a surtout élargi mon champ de connaissances de l’histoire politique et des hommes politiques de notre chère patrie. Mon vieux père était un visionnaire qui aimait le Burkina Faso plus que tout. Il avait une culture générale dense qui lui permettait d’anticiper sur beaucoup d’évènement en Afrique et au Burkina Faso en particulier. Il rédigeait de nombreuses notes politiques de plusieurs dizaines de pages gardées sous le sceau de la confidentialité, mais que j’avais le privilège d’obtenir en copie avec la mention « Confidentiel ». Mais hélas, il a toujours été incompris c’est un peu le destin commun des grands hommes.
Sa mort brutale m’a permis de mesurer toute la portée de ce qu’il me racontait. Je suis devenu plus fragile avec sa disparition et j’apprends à observer les évènements qui frappent mon pays, l’Afrique et le monde, sans trop me hâter à exposer ma grille d’analyse.
Comme l’a écrit Birago Diop, les morts ne sont pas morts. Le souffle de mon vieux père est toujours présent auprès de moi! Il est au ciel et continue de porter en pensées notre patrie auprès de tous ces grands hommes parmi lesquels je me permets de citer Daniel Ouezzin Coulibaly, Thomas SANKARA, SANGOULE Lamizana, Norbet ZONGO, qui ont tous brillamment marqué l’histoire de notre pays. Quand on a en héritage un tel patrimoine, on peut être fier et optimiste sur l’avenir de notre patrie.
Je dois maintenant m’arrêter; je n’aurais jamais suffisamment de mots pour décrire ce que j’ai partagé avec mon vieux père sur ses doutes et ses espoirs pour l’Afrique et le Burkina Faso!
Je n’aurais pas pu terminer cette journée sans lui rendre ce bref témoignage. Dans la mort ce qu’il y a de tragique, c’est l’oubli de ceux qui nous ont précédé! Jamais je ne t’oublierai vieux père!
Ton petit va bien! Tu as les salutations des jumeaux et de leurs sœurs, de leur maman. Les enfants avancent tous très bien dans leurs études. Tu es présent dans leur souvenir « Tonton Ouali », comme ils aimaient t’appeler!
Dieu te garde au paradis, vieux père!
Dieu bénisse tes enfants et ton épouse!
De là où tu es, Intercède pour le retour de la sécurité et de la paix véritable dans notre pays!