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Les Echos du Sud-Ouest

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Docteur Gabin KORBEOGO président de l’ODJ : « c’est l’impérialisme qui a engendré le terrorisme et qui l’utilise pour étouffer l’essor des mouvements d’émancipation »


L’Organisation démocratique de la Jeunesse (ODJ) a organisé du 3 au 8 septembre 2019, la 10e édition de son Camp jeunesse à Gaoua. En marge de ce camp, Bafujiinfos a rencontré le Docteur Gabin Korbéogo  Président du bureau exécutif de cette organisation. Avec lui, l’assassinat de leurs camarades au Yagha, la question sécuritaire et l’incivisme ont été abordés. Il a donné sa lecture des faits dans cet entretien.

Bafujiinfos : Qu’est-ce que l’ODJ ?

Docteur Gabin KORBEOGO :L’ODJ, c’est l’organisation démocratique de la jeunesse. C’est une organisation de la société civile, une organisation de la jeunesse qui est née en 2000 dans le courant des luttes du collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques suite à l’assassinat de Nobert Zongo. Il y a eu un vaste mouvement populaire pour demander vérité et justice pour Norbert Zongo. Pendant cette lutte et dans laquelle étaient engagés les syndicats des travailleurs, les mouvements de défense des droits de l’homme, les associations des scolaires et des étudiants, il y avait au niveau de la direction du collectif, des représentants pour toutes ces  structures. Vous aviez aussi à côté une grande majorité, un large pan des jeunes qui venaient mais qui après les manifestations repartaient chez eux, ils n’avaient pas de porte-parole officiel et ils avaient évidemment des préoccupations qui n’étaient pas suffisamment prises en compte par les organisations parce qu’elles étaient des organisations syndicales. Au regard des orientations certaines défendaient les intérêts des ouvriers, des paysans. Mais il était bon qu’il y ait une organisation qui représente ce qu’on appelle les couches fondamentales. C’est ainsi qu’un groupe de jeunes parmi lesquels le défunt président André Tibiri qui a été leader de mouvement étudiant notamment l’Union générale des étudiants du Burkina, puis de  l’Association nationale des étudiants burkinabè  (ANEB). On était tous engagé dans cette lutte autant que vous nous voyez. C’est ainsi que lui et de nombreux jeunes qui ont pris part à cette vaste lutte se sont retrouvés et ont mis en place l’ODJ. Il est né pour organiser, pour prendre en compte les préoccupations des paysans, des ouvriers, des jeunes du secteur informel, des sans-emploi en un mot ceux qu’on appelle les jeunes des couches fondamentales.

Bafujiinfos : Quels sont les objectifs visés par cette organisation ?  

Docteur Gabin KORBEOGO : L’ODJ vise entre autres objectifs, de défendre les droits socio- économiques, les droits démocratiques et civiques des jeunes, créer des liens de solidarité, d’entraide entre les jeunes, ça c’est un élément important qui transcendent les divergences régionales linguistiques, ethniques, soutenir et populariser les luttes du peuple Burkina. C’est le cadre des luttes que l’organisation est née et un de ses objectifs majeurs est de soutenir la lutte pour l’amélioration des conditions de vie mais aussi et surtout pour un changement révolutionnaire. Entre autres objectifs, c’est de développer l’internationalisme du prolétariat, développer des liens de solidarité, des liens de lutte avec des organisations de jeunesse à l’échelle de la sous-région ouest africaine, de l’Afrique et du monde .Depuis 2000 jusqu’à maintenant, chemin faisant, l’ODJ  a réussi à se structurer ce qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes dans les 45 provinces du Burkina dans les 13 régions. Nous avons une implantation  beaucoup plus significative au sein des couches fondamentales. On a réussi à inverser la tendance, on est parti d’une ODJ qui au départ était majoritairement  animée par les élèves et étudiants,  les salariés du public ou du privé à une ODJ qui est véritablement populaire, animée et dirigée en partie par des jeunes et des militants des couches fondamentales. Si on essaie de jeter un regard rétrospectif, on peut se satisfaire du chemin parcouru, des acquis et surtout de la place qu’occupe l’ODJ aujourd’hui dans l’espace associatif burkinabè.  Elle est devenue une organisation incontournable et beaucoup de jeunes, d’ouvriers, de paysans,  d’orpailleurs se reconnaissent, intègrent l’ODJ et se battent au sein de l’ODJ.

Bafujiinfos : Pendant votre camp, vous avez consacré une large part de vos activités à l’hommage à vos camarades assassinés dans le Yagha, qu’est-ce qui s’est passé au juste ?

Docteur Gabin KORBEOGO : Ça reste jusque-là une énigme. Mais il y a un faisceau de faits qui nous permet de qualifier ce qui s’est passé aujourd’hui,  du moins l’attitude des autorités. Les camarades se rendaient ce vendredi 31 mai 2019, (ils ont quitté Tangagari qui est leur village de la commune rurale de Boundoré) pour se rendre à Sebba, chef-lieu de la province du Yagha. C’est une soixantaine de kilomètres qui séparent les deux localités et c’est à l’entrée de la ville de Sebba, qu’ils ont été assassinés. En fait, ils étaient attendus au Haut-Commissariat parce que le Haut-commissaire, leur a accordé une audience et à cette audience devaient être présents des responsables administratifs centraux, des responsables de la police et de la gendarmerie, certains responsables syndicaux, il y avait aussi une délégation de l’ODJ qui devait être conduite par Fahadou qui était le président de la section et accompagné du secrétaire général parce qu’il y a des membres du bureau de la section qui résident à Sebba, ces gens-là étaient déjà dans la salle. Ils ont attendu les camarades en vain, ils ont appelé en vain. Jusqu’à ce que la rencontre commence, ils l’ont conduite jusqu’à son terme. Entre temps, ils ont été informés du fait qu’on a retrouvé deux corps sans vie à l’entrée de la ville. C’est ainsi qu’ils se sont déportés sur les lieux et ils ont reconnu les corps de leurs camarades, les corps criblés de balles. Ils sont morts dans des circonstances vraiment horribles. Quand on décrit l’état dans lequel les corps étaient, ça veut dire que ceux qui les ont tués se sont employés avec toute la violence, toute la hargne possible, ça veut dire qu’ils leur en voulaient. Quand les camarades se sont déportés sur les lieux, ils ont trouvé que les lieux étaient nettoyés. C’est ainsi que le bureau national a été mis au courant. C’était un vrai choc. Tout de suite de commun accord avec les deux familles de victimes, on a pris un conseil qui représente les deux familles et on a demandé l’autopsie des corps pour situer les circonstances dans lesquelles les camarades ont été assassinés. Il y a eu une plainte aussi qui a été déposée contre X. Normalement, cette plainte doit avoir une suite judiciaire, une enquête doit être ouverte pour déterminer les circonstances de l’assassinat, les auteurs et éventuellement surtout les raisons pour lesquelles ils ont été assassinés. Il se trouve que pour la demande d’autopsie, jusqu’à l’heure où je vous parle ça fait trois mois, rien n’a été fait. On s’est battu pour transporter les corps de Dori à Ouaga. Ils nous ont dit que l’autopsie ne pouvait pas se faire à Dori, c’est pour ça que les corps ont été transportés à Ouaga. Mais tenez-vous bien à la charge des familles soutenues par l’organisation. Alors que jusque-là, de mémoire toutes les autopsies qui ont été réalisées dans ce pays l’ont été et prise en charge par l’état. On se rappelle des 11 jeunes retrouvés morts dans un commissariat, c’est l’état tout de suite qui a diligenté l’autopsie, le rapport est disponible. Il n’y a pas mal de situations pareilles qui sont survenues et c’est l’état qui prend en charge l’autopsie une fois qu’elle est demandée. Mais pour notre cas, ils nous ont opposé une fin de non-recevoir. Le médecin légiste a procédé à l’examen scanographique, à l’issue duquel ils ont dit que l’autopsie ne pouvait pas être faite sous prétexte que les corps ont été formolés.  Tenez-vous bien des gens qui ont été assassinés le 31, les corps ont fait trois semaines à Dori avant d’être transportés à Ouaga. Comment est-ce qu’on allait les conserver avec des blessures, des impacts de balles ? le formol était incontournable. Ils ont alléguées pour dire que la manipulation de ces corps présente des risques sanitaires pour eux. Nous avons entrepris des démarches pour faire bouger les lignes, des démarches qui sont restées jusque-là sans suite. Nous avons été accompagnés par certaines organisations auxquelles nous avons fait appel, notamment le MBDHP. Nous leur avons adressé une correspondance pour demander de nous soutenir dans les démarches pour pouvoir obtenir l’autopsie de nos camarades. On a demandé une audience avec le ministre de la justice qui nous a reçus et qui a promis de prendre les dispositions pour que les choses puissent bouger. A notre grande surprise, rien n’a été fait. On fait face à un mur. Tenez-vous bien, les camarades allaient à une rencontre avec les premiers responsables de la province du Yagha. Jusqu’à l’heure où je vous parle, ni la famille, ni l’organisation, personne n’a daigné appeler ou exprimer par quelques moyens que ce soit les condoléances à la famille. Un mois avant l’assassinat des camarades, l’ODJ  a animé une conférence de presse pour dénoncer la criminalisation, les tentatives de liquidation de l’organisation. Il y avait des journalistes, ça les amusait lorsqu’on parle de tentatives de liquidation bien qu’on ait énuméré des cas de menaces de mort notamment des menaces de mort contre le camarade Fahadou Cissé. Et aussi une situation ubuesque dans laquelle le camarade Hamma Balima s’est retrouvé, tentative d’assassinat. Là où l’organisme mène des luttes il y a des menaces de mort, des intimidations, des détentions arbitraires. Je prends l’exemple ici dans la région autour de la culture du coton. Il y a eu un vaste mouvement populaire qui est engagé, les camarades qui sont à la tête de ce mouvement font l’objet de menaces de mort. Je prends l’exemple du vice-président, le camarade Mohamed Traoré, figure de proue de ce mouvement, il fait l’objet de pressions, de menaces de mort. Il n’est pas le seul, il y a une liste de paysans qui a été dressée, les sociétés cotonnières les ont déclarés  persona non grata. Si on vous énumère le nombre de cas où les camarades de l’ODJ ont été convoqués à la police, c’est des milliers de fois, je n’exagère pas, emprisonnés, ça vaut 200 cas. Les camarades martyrs ont passé deux ans de prison en 2012 à la maison d’arrêt et de correction de Dori suite à la lutte qu’ils ont engagé dans le cadre de l’ODJ alors qu’ils venaient de connaitre l’organisation, ils venaient de l’installer et de prendre en main des luttes qui se mènent et qui se menaient contre le pillage des ressources minières surtout l’or par la société SOMIKA à l’époque. C’est pendant que le camarade Fahadou était en prison qu’on a tenu notre deuxième congrès ordinaire et c’est à cette occasion qu’il a été élu responsable adjoint à l’organisation. Il y a tellement d’exemples qui montrent que notre organisation est dans la ligne de mire du pouvoir en place et dans la ligne de mire des forces rétrogrades et réactionnaires qui veulent une situation de statu quo pour pouvoir continuer à piller le peuple en complicité avec l’impérialisme. Quand vous prenez le coton et l’or. A qui profitent les bénéfices ? Pour le cas du coton, c’est la SOFITEX qui n’est qu’une filiale des sociétés françaises. Toute la plus-value profite aux sociétés étrangères. Les cotonculteurs vivent dans des conditions misérables. Vous prenez l’or, là je crois que l’actualité nous donne raison avec le scandale autour du charbon fin. La quasi-totalité des sociétés qui exploitent l’or sont des sociétés canadiennes, australiennes, américaines. Vous avez les Français qui interviennent dans le cadre du service. Voici deux domaines dans lesquels l’ODJ est l’une des figures les plus en vue. Notre lutte contribue à remettre en cause l’intérêt de ceux à qui profite la situation actuelle.

Bafujiinfos : L’incivisme est grandissant, on pointe du doigt la jeunesse, vous êtes une organisation de jeunesse, pour vous qu’elles sont les causes du phénomène et qu’est-ce qu’il faut faire pour l’endiguer ?

Docteur Gabin KORBEOGO : La question de l’incivisme est souvent très mal abordée. Lorsqu’on l’aborde, on met l’accent sur ce qu’on peut appeler les conséquences de l’incivisme, on met l’accent sur ce qu’on peut appeler les épiphénomènes du fait que les jeunes brulent le feu, ils font ceci ou cela. On est d’accord que les jeunes peuvent se retrouver un moment en marge de la société. Mais qu’est-ce qui a permis cela ? Quelle éducation la société offre aux jeunes, quelles valeurs sont cultivées et promues par les dirigeants afin que les jeunes puissent s’en inspirer. On montre aux gens qu’il n’y a de valeur cardinale que l’argent or de notre point de vue l’argent est un moyen. On montre qu’on n’a pas besoin de travailler, de gagner son pain à la sueur de son front, si on accepte d’être courtisan ou si on s’enrôle dans des partis politiques bourgeois et qu’on arrive à être nommé on peut se permettre de s’accaparer des bien de l’état et s’enrichir. En disant cela ce n’est anecdotique, vous avez vu  depuis l’avènement du CDP au pouvoir depuis l’assassinat de Thomas Sankara depuis 1987 jusqu’à aujourd’hui, vous avez des milliers de cas de détournement de deniers publics. Quand on veut les qualifier au regard du droit burkinabè, il s’agit de crime économique. Combien de fois avez-vous entendu qu’on a arrêté quelqu’un qui a détourné un million, deux millions. Les gens considèrent ça comme insignifiant, si on veut appliquer ça, je suis sûr que si on tape dans la fonction publique, il n’y aura plus de places dans les prisons. On a parlé tantôt de la question de l’or, le ministre a d’abord tenté de nier jusqu’à ce qu’il soit acculé et qu’il reconsidère sa position. Quel a été le traitement qui a été réservé à ce ministre ? Rien. Au contraire quand vous voyez le cas des jeunes qui ont été retrouvés morts dans les locaux de la police, pour mesures conservatoires, on a démis la directrice de la police judiciaire de ses fonctions pendant même que les résultats de l’autopsie n’étaient pas disponibles pendant que l’enquête n’était pas encore diligentée. Pourquoi dans ce cas on ne peut pas le faire ? Parce que ce sont des gros poissons. Parce que les intérêts sont liés au sommet de l’état. Nous avons à la tête de notre Etat des responsables, des hommes et des femmes qui sont tout sauf des exemples, des contre exemples pour la jeunesse. Si dans ces conditions on demande aux jeunes d’accepter de se soumettre, de se laisser piétiner, je pense que c’est insulter l’intelligence des jeunes. D’ailleurs par moment, il arrive qu’on traite certaines organisation de jeunesse, des formes de revendications comme des formes d’incivisme, on ne s’interroge pas sur la violence intérieure que vivent les jeunes, sur la précarité, la violence des conditions dans lesquelles les jeunes vivent marquées par la maladie, la fin, la soif etc. C’est ça qui les pousse à s’organiser et souvent à porter des actions violentes parce que comme on le dit, par rapport à la question de la violence, il y a deux appréciations. Quand on a une culture révolutionnaire, la violence peut permettre de réduire les écarts. La violence a une force transformatrice, des centres peut naître un jour nouveau. Il n’y a que le changement par la violence qui peut permettre de renouveler les choses, l’avènement d’un nouveau système. Par contre si on se retrouve du côté de l’oppresseur lorsqu’on s’organise pour revendiquer, on trouve que ce sont des formes d’incivisme. Si je prends le cas de l’ODJ, toutes les formes de luttes vont crescendo. Vous avez d’abord des rendez-vous qu’on demande pour présenter les plates-formes revendicatives qui sont adoptées en assemblée générale avec l’ensemble des militants. Et on va suivre, les étapes de négociation, de discussion. Des promesses sont souvent faites mais jamais respectées. Après ça on passe à l’étape de la lutte, de la contestation. Et c’est généralement ça qui est perçu comme étant des formes d’incivisme. Nous pensons que la question d’incivisme est suffisamment profonde et pour mieux la comprendre pour essayer de l’endiguer, il faut créer les conditions de justice sociale, d’équité, à chacun selon son travail. Si l’on arrive à instituer ces valeurs au sein de la société, si on arrive à lutter pour instaurer une gouvernance vertueuse, vous allez voir que les sentiments de révolte, les actes d’incivisme, les états d’âme qu’expriment les jeunes mais aussi les moins jeunes, vont s’estomper. Ce qu’on reproche aux jeunes, vous avez souvent les corps les mieux organisés mais souvent qui contestent de façon bruyante, vous avez vu récemment ce qui s’est passé avec l’assassinat ignoble de 24 militaires.  Avant ça, il y a eu des mutineries. Donc l’armée même qu’on présente comme une des institutions les plus organisées les plus disciplinées, on parle de grande muette quand ça ne va pas, ça bouillonne devant, il faut le faire savoir. On peut utiliser les formes qu’impose l’injustice.

Bafujiinfos : Le pays est plongé dans une insécurité, presque généralisée alors qu’est-ce qu’il faut faire pour le sortir de cette situation, pour vaincre le terrorisme au Burkina Faso

Docteur Gabin KORBEOGO : Le terrorisme a des racines profondes, c’est un peu comme la question de l’incivisme évoquée tantôt. Comment est-ce que le terrorisme est né ? Si vous regardez l’histoire de l’humanité, le terrorisme est né comme une forme de lutte que les puissances ont utilisé les unes contre les autres. Les américains l’ont utilisé en Afghanistan pour combattre les Russes qui soutenait les forces de progrès à l’intérieur de l’Afghanistan. Au Moyen orient, les gens utilisent le terrorisme. Dans la région ouest africaine, quand vous regarder les mouvements comme l’AZAWAD, le MLA au Mali, ces mouvements ont été fondés avant les indépendances formelles 1960 par qui ? Par la France. Quand vous regardez beaucoup de rebelles lorsqu’ils sont blessés ou atteints de façon un peu grave, ils vont se soigner où ? Il y en a qui se soignaient à Ouaga mais quand ça ne va pas, ils sont déportés en France où ils vont se soigner. On a même vu des images où ils ont été reçus à l’Elysée, des chefs terroristes, des gens qui sont déclarés ennemis numéro1 en Afrique et même par eux. Ils les reçoivent dans les salons feutrés, ils sont traités avec tous les égards possibles. On a vu au Mali, quand il y a eu la déferlante djihadiste sur Bamako et que les français disent avoir permis de repousser. Arrivés à Kidal, ils ont mis une ligne rouge. L’armée malienne avait une interdiction formelle de franchir cette ligne. Les autorités maliennes n’ont pas le droit d’y accéder sans l’autorisation de la France. Au Mali !  Allez-y comprendre. Il suffit d’être un peu futé, on ne peut pas accepter ça. Regarder ce qui se passe chez nous, si on essaie de  voir les racines profondes du terrorisme, les attaques ont eu lieu en 2015 dans une situation post insurrectionnelle, post résistance victorieuse du putsch. C’est comme ça cela a commencé jusqu’à l’escalade. Vous avez vu l’interview que le président a accordée. Il a révélé qu’il y a eu des accords, des véhicules qui ont été commandés. Il y a des liens incestueux, il y a beaucoup de choses qu’on cache au peuple. Et c’est le peuple qui paye le lourd tribut. Les racines profondes du terrorisme de notre point de vue, c’est l’impérialisme qui a engendré le terrorisme et qui l’utilise pour étouffer l’essor des mouvements d’émancipation à l’échelle de l’Afrique, qui l’utilise pour pouvoir exploiter les ressources dans les parties du monde où les ressources sont abondantes et où les états sont faibles. Quand vous prenez les états africains, certaines institutions les classes comme les états fragiles, les états faibles, jusqu’à l’état faillite. Il y a aussi la question de l’injustice sociale. Les causes que j’ai expliquées c’est à l’échelle macroscopique.  Si on descend à l’échelle microscopique, d’un pays, d’une famille ou de l’individu, ce sont les frustrations économiques, affectives qui créent un terreau favorable à l’enrôlement des jeunes dans les groupes terroristes. Lorsqu’un jeune n’arrive pas à survenir à ses besoins où se retrouve dans un dénuement total,  et lorsqu’il n’a pas le sentiment d’appartenir à une communauté nationale, il se trouve dans une situation de désespoir de déchéance, d’instabilité, il flotte et quand quelqu’un flotte, il s’accroche là où il peut. On lui fait miroiter l’argent et même l’au-delà. J’ai parlé de frustrations affectives, si on dit que si vous tuer un certain nombre de personnes vous rentrez au paradis. Tant qu’on n’arrive pas à faire une analyse froide et profonde de la situation, on ne pourra pas s’en sortir. Pour me résumer, les causes du terrorisme, ce sont les rivalités inter-impérialistes pour dominer les états faibles comme nous, le Burkina, le Mali, l’Afrique sub-saharienne.

Certains n’ont jamais pardonné à notre pays d’avoir réalisé l’insurrection, d’avoir fait échouer le coup d’état qui était en fait une tentative de restaurer le régime de Blaise Compaoré qui était le chouchou des puissances impérialistes. Il y  a une seule voie pour venir à bout du terrorisme, c’est le changement révolutionnaire qui va permettre de venir à bout de la domination impérialiste et qui va permettre de libérer le peuple. Notre  peuple a suffisamment de ressources, il est suffisamment courageux pour prendre son destin en main. Une fois que le pouvoir revient au peuple, il saura trouver les voies et moyens pour pouvoir stabiliser et trouver une réponse durable et adéquate à toutes les crises qu’elles soient économiques, politiques ou sécuritaire. De notre point de vue, comme nous l’avons dit tout au long du camp, notre l’ODJ en tant qu’organisation de la société civile n’a pas pour ambition  de conquérir le pouvoir d’état parce que nous ne sommes pas un parti politique. Nous nous battons, nous jouons notre partition en essayant de conscientiser nos militants et sympathisants pour qu’ils prennent conscience des racines profondes de la situation de misère de précarité dans laquelle les jeunes sont plongés et afin qu’ils s’organisent, qu’ils se battent pour résoudre de façon ponctuelle, conjoncturelles les difficultés auxquelles les jeunes font face. Mais nous leur disons que pour venir à bout, pour liquider le chômage, pour liquider la maladie etc, il faudrait qu’il advienne un changement révolutionnaire. Nous pouvons jouer un rôle dans la conscientisation mais pas dans la direction. C’est un élément important qui permet de comprendre le positionnement de notre organisation dans tout ce qui se passe.  Au regard de la situation sécuritaire, même au sommet de l’état, il y a la cacophonie. Jusqu’à preuve de contraire, il n’y a pas eu de contestation, une interview qu’on attribue au ministre de la sécurité interview dans laquelle, il émet des réserves quant à la sincérité de l’appui ou de l’assistance de certaines puissances. Après on a vu que certaines autorités ont essayé de rattraper cela, de nuancer donc ça veut dire qu’il n’y a pas une unité de vue, il y a un manque de sérénité, de leadership au sommet de l’état. On va dans tous les sens, on fait ce qu’on peut, on en arrive à des exécutions extra judiciaires, à des assassinats ciblés et de masse. Vous avez des cas qui sont documentés par des organisations de défense des droits de l’homme telles que le MBDHP qui a produit un rapport  circonstancié sur la question de Yirgou et de Kain- Ouro. Vous avez aussi différents rapports de l’ONG de défense des droits de l’homme Human Right Watch. Vous avez aussi le témoignage de citoyens anonymes qui appellent souvent sur des radios lors des émissions inter actives ou des gens qui sont honnêtes mais compte tenu de leur position actuelle ne peuvent pas lever le doigt mais de plus en plus des voix s’élèvent pour dénoncer ces exécutions. Les gens veulent faire des chiffres, veulent du bilan, ce n’est pas ça qui va faire qu’on va venir forcement à bout du terrorisme. Je pense que c’est dans le cas d’une unité d’action populaire,  que le peuple surtout la jeunesse populaire peuvent s’organiser et œuvrer à trouver une réponse définitive à la question de précarité économique et à la question de terrorisme. Pour dénoncer d’ailleurs les dérives qu’on a constatées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, nous avons avec d’autres organisations mis en place ce qu’on appelle un mouvement d’action populaire dans lequel se retrouvent une trentaine d’organisations ; les syndicats à travers l’UAS, des organisations de défense des droits  de l’homme, des associations de jeunesse. Vous avez des gens soient ils sont de mauvaise foi parce qu’ils défendent leur position, ils défendent des intérêts égoïstes soient ils n’ont pas compris. Lorsque nous dénonçons les exécutions extra judiciaires ou les assassinats ciblés, les gens disent et les FDS ? Si nous dénonçons le terrorisme et nous disons qu’il a été secrété par l’impérialisme et la faillite du pouvoir actuel, nous par principe, condamnons  le terrorisme, ce sont des formes obscurantistes. La solution proposée par les terroristes ne pourra jamais sortir quelqu’un d’affaire. Par principe, une organisation qui a une orientation telle que la nôtre, dite organisation anti impérialiste, patriotique et révolutionnaire est contre le terrorisme. Nous n’avons jamais manqué l’occasion de dénoncer les attaques terroristes, d’apporter notre soutien aux hommes de rang. Il y a des soldats valeureux qui se battent au front et qui tombent et à chaque fois qu’on mène des activités, si ça coïncide avec des cas d’assassinat ou par moment lors de nos activités, en plus d’observer la minute de silence, on dénonce le terrorisme et on exige à ce que cette question soit traitée avec tout le sérieux possible.  L’ODJ est vraiment attristé par ce sort que notre peuple subi notamment les hommes de rang qui tombent quasi quotidiennement au front. Vous avez aussi des victimes civiles et surtout des déplacés internes qui sont autour de 170 000. La situation est entrain de dégénérer et je pense qu’il est temps qu’il y ait des réponses adéquates qui soient trouvées par exemple la question  de la prise en charge des déplacés internes qui occupent une place de choix dans la plate-forme minimale que nous avons proposée. Je pense que ça,  ça relève de la responsabilité de l’état. C’est bien souvent que les gens prennent des initiatives mais nous pensons que la charité ne pourra pas entretenir de façon durable ces gens.

Bafujiinfos : Votre appel à la jeunesse

Docteur Gabin KORBEOGO : Notre appel, c’est un appel à la mobilisation, à l’organisation, à rejoindre les rangs de l’ODJ pour ceux qui ne sont pas engagés dans une association. Nous lançons aussi un appel à ceux qui sont dans les organisations à venir dans l’unité d’action populaire que nous sommes entrain de construire afin que nous puissions prendre en charge les questions pressantes, l’accès à l’emploi, à l’eau, d’amélioration des conditions de vie et de travail mais aussi afin que nous puissions participer de façon conséquente à la lutte de notre peuple pour l’avènement d’une société, véritablement prospère, véritablement démocratique.

Entretien réalisé par Dar Flavien DA



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